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Le 18 décembre 2016, à la veille du vote du collège électoral, une manifestante brandit une pancarte contre l’élection de Donald Trump, devant le Capitole de l’État du Colorado (Denver). © Chris Schneider/AFP

Élections US

Les États-Unis prisonniers de leur système électoral ?

Jean-Marie Pottier publié le 14 décembre 2020 4 min

Ils sont 538, modestement défrayés, à se prononcer officiellement, ce lundi 14 décembre, sur le nom du prochain président des États-Unis. 538 hommes et femmes pour représenter les votes de près de 160 millions d’Américains. En 2016, ces grands électeurs avaient élu Donald Trump alors que Hillary Clinton avait recueilli une majorité relative du vote populaire. Un paradoxe qui a relancé le débat autour d’une éventuelle abolition du collège électoral, ce système par lequel chaque État attribue un certain nombre de grands électeurs au candidat arrivé en tête, quel que soit son score. Et si ce paradoxe ne s’est pas reproduit en 2020, il s’en est fallu de peu : Joe Biden l’a emporté de près de 4,5 points sur Donald Trump au plan national, mais de 0,6 point (ou moins) dans les États qui ont assuré sa victoire, une disproportion inédite depuis un siècle. Cette situation, ajoutée à des sondages d’opinion qui montrent régulièrement qu’une majorité d’Américains est en faveur de l’abolition du collège électoral, pourrait laisser croire le moment venu pour que les Américains élisent leur président directement, « à la française ». Il paraît pourtant très loin, et les États-Unis resteront probablement encore un moment prisonniers de cet étrange système hérité de leur histoire.

 

  • Des deux côtés, les arguments sont rodés. Pour les défenseurs du collège électoral, ce dernier protège le fédéralisme américain originel en forçant les candidats à la Maison-Blanche à ne pas s’intéresser qu’aux grands États, ou à ne pas faire campagne dans une seule région où ils seraient extrêmement populaires. Pour ses adversaires, ce système a non seulement ouvert la voie à plusieurs reprises à l’élection d’un président minoritaire en voix au niveau national, mais place les deux-tiers des États sur le banc de touche de l’élection. Ainsi la campagne se concentre-t-elle sur les plus disputés, les célèbres swing states. Les premiers se posent en protecteurs de la République, qui ne se réduit pour eux pas à une majorité mais à un équilibre des pouvoirs et des territoires. Les seconds se présentent en défenseur de la démocratie dans sa forme la plus classique, marquée par le règne de la majorité et de l’égal poids des voix.
  • Si le débat semble bien balisé, il n’a pas encore débouché sur des changements majeurs. Rien n’interdit à l’un des cinquante États de choisir d’attribuer ses grands électeurs au vainqueur du vote national, ou a minima de les désigner d’une manière plus équilibrée, à la proportionnelle par exemple. Mais ces États sont peu incités à bouger : ils se retrouvent, comme l’expliquaient récemment dans une note deux chercheuses de Polytechnique, Héloïse Cloléry et Yukio Koriyama, dans une situation où ce qui est optimal pour chacun, pris individuellement, aboutit à un résultat collectif qui ne l’est pas. Grâce au système actuel, la très serrée Floride peut avoir un poids immense en faisant pencher, à quelques voix près, ses 25 grands électeurs vers l’un ou l’autre des candidats, là ou un système mieux proportionné aboutirait en gros à en donner régulièrement treize à l’un et douze à l’autre. Mais si tous les États font ce calcul rationnel, on peut aboutir à un résultat « sous-optimal » où la majorité des électeurs a voté pour le perdant. C’est ce qu’on appelle, en théorie des jeux, un « dilemme du prisonnier », dont on ne peut sortir que par un choix coordonné de tous les États.
  • Une telle coordination existe déjà sous le nom de National Popular Vote Interstate Compact. Inauguré il y a une quinzaine d’années, ce dispositif consiste pour un État à voter une loi attribuant ses grands électeurs au vainqueur du vote national, et non de l’État ; mais cette loi n’entrera en vigueur qu’une fois adoptée par des États représentant plus de la moitié du collège électoral. Ce qui n’est pas encore le cas : la loi en question, dont la constitutionnalité est par ailleurs discutée, n’a pour l’instant été adoptée que par quinze États et la capitale fédérale. Tous fermement démocrates, et représentant moins de 200 grands électeurs…
  • Pour que ce système s’applique un jour, il nécessitera de toute façon une autre révolution : la création d’un véritable électorat américain. Car si les Américains forment incontestablement un peuple, ils ne sont pas unifiés en un même électorat : selon l’État, les candidats à la présidentielle peuvent différer (le rappeur Kanye West, par exemple, n’était officiellement candidat que dans douze États). C’est la même chose en ce qui concerne le calendrier de l’élection, de même que les règles pour s’inscrire sur les listes électorales ou contester un résultat. Ce qu’on appelle le « vote national » (« popular vote ») est donc encore une fiction juridique, et n’a comme existence concrète que les calculs des médias et des experts. Une faiblesse qu’avait reconnue un contempteur, parmi beaucoup d’autres, du collège électoral, le philosophe du droit Ronald Dworkin. Dans un article publié début 2001 à propos de ce «système baroque», cette «antiquité du XVIIIe siècle», il reconnaissait qu’un vrai vote national nécessiterait des « méthodes de vote uniformes ». Dit autrement : si les États-Unis veulent un jour voter directement pour un seul homme, il faudra aussi qu’ils apprennent à voter comme un seul homme.
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