Florent Guénard : “Il est urgent de réformer notre système de parrainage politique”
Tandis que certains candidats à l’élection présidentielle ont déjà très largement dépassé le seuil, d’autres peinent à récolter les 500 signatures d’élus locaux nécessaires pour pouvoir se présenter. Que dit cette situation de notre démocratie ? Pour Florent Guénard, spécialiste en philosophie politique, le système de parrainage actuel favoriserait les partis traditionnels, mieux ancrés localement, au détriment de mouvements nouveaux, pourtant largement soutenus à l’échelle nationale.
Le système de parrainage est l’objet de critiques importantes de la part de “petits” candidats (Gaspard Koenig, Anasse Kazib…), comme de partis plus installés dans le paysage électoral (La France insoumise, le Rassemblement national…). L’idée du parrainage politique est-elle bonne d’un point de vue démocratique, selon vous ?
Florent Guénard : Les démocraties représentatives se sont toujours posé la question de savoir comment réguler les élections. Historiquement, cette volonté de réguler a même toujours commencé par une délimitation du dèmos (δῆμος), c’est-à-dire une détermination de qui fait partie du peuple légitime à voter, et de qui en est exclu. En Grèce antique, ce dèmos était particulièrement exclusif, puisqu’il excluait notamment les femmes. Aujourd’hui encore, nous continuons encore à avoir un certain nombre de restrictions du corps électoral : la majorité est à 18 ans, la nationalité française est requise, on peut perdre ses droits civiques dans certains cas extrêmes… De ce point de vue, la notion de « suffrage universel », bien qu’elle se veuille plus large, ne s’attache pas forcément à une volonté de n’avoir aucune limite au droit de vote. La question peut donc aussi se poser du point de vue des candidats à qui l’on donne le droit de se présenter, il n’y a même rien de choquant à cela.
“On observe un décalage de plus en plus fort entre l’échiquier politique local et le débat national”
Le système de parrainage est d’ailleurs souvent présenté comme un moyen de légitimer le national par le local. N’est-ce pas un principe vertueux ?
D’abord, il faut noter que l’élection présidentielle est la seule, en France, qui fait l’objet d’un tel système de régulation par le parrainage. Pourquoi ? Parce qu’il y a une forme de surinvestissement de cette élection, considérée comme supérieure à toutes les autres. Étant donné cette importance de la présidentielle, il peut en effet paraître nécessaire de réguler les candidatures, alors que cela ne se fait pas, ou moins, lors des élections locales. Pour autant, je ne crois pas que le système de parrainage par les élus locaux soit particulièrement vertueux. Au contraire, on observe un décalage de plus en plus fort entre l’échiquier politique local et le débat national. Cela s’explique notamment par la déliquescence des partis traditionnels : à l’échelle locale, ces partis sont encore très bien implantés et conservent une emprise forte, tandis que de nouvelles personnalités émergent de manière inédite au niveau national, sans aucun ancrages territoriaux. Les chiffres des parrainages le montrent bien. À l’heure actuelle [en date du 22 février], c’est Valérie Pécresse (LR) qui a le plus de parrainages (2 143). Anne Hidalgo (PS) est aussi très bien placée (1 177)… mais Éric Zemmour (Reconquête), dont on entend parler à longueur de journée, n’a pour l’instant pas le nombre de parrainages nécessaires pour être candidat (350). La tendance était la même lors des présidentielles de 2017 : les deux candidats qui avaient le plus de parrainages étaient François Fillon (LR), avec plus de 3 000 signatures, et Benoît Hamon (PS), avec quelques 2 000 signatures. On se souvient pourtant du score de ce dernier au premier tour : 6,35% des voix – le pire score de l’histoire du Parti socialiste. Au lieu d’être un catalyseur démocratique, le système de parrainage semble en fait favoriser une logique de bipartition droite-gauche, tout en défavorisant l’émergence de nouveaux mouvements. Notre démocratie devrait donc revoir ses modes de régulation, car un tel décalage entre le local et le national pose problème.
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