Le trumpisme est-il un néofascisme ?
Depuis l’occupation du Capitole par les partisans de Donald Trump, la question se pose : Donald Trump est-il un héritier du fascisme, le mouvement qui a porté Benito Mussolini au pouvoir en Italie à la faveur d’un coup de force en 1922 ? Si le mode d’organisation politique et idéologique n’est pas le même, on retrouve dans le trumpisme des idées qui ont irrigué la doctrine fasciste.
« Fascisme » est un mot dangereux. Dans les années 1960 et 1970, il a été utilisé de manière abusive – par rapport à sa détermination historique –, dans la sphère de l’extrême-gauche, pour condamner non seulement les régimes autoritaires, mais aussi les démocraties libérales… qui ont parfois combattu le fascisme. Dans certains milieux, « fasciste ! » est devenu l’insulte suprême (pire que « bourgeois » ou « petit-bourgeois »). Des intellectuels lui ont enfin donné un sens tellement large qu’il n’a presque plus rien à voir avec sa signification historique. Tandis que Roland Barthes affirme que « la langue est fasciste », Michel Foucault désigne L’Anti-Œdipe de Gilles Deleuze et Félix Guattari comme une « introduction à la vie non fasciste ». Il y a donc aujourd’hui une réserve légitime à employer ce terme à tout-va. Mais ce serait une erreur symétrique que de répugner à l’employer lorsqu’une filiation existe entre le mouvement créé par Benito Mussolini et des mouvements d’aujourd’hui. À condition d’être rigoureux ! Alors voyons si le trumpisme a quelque chose à voir, dans sa pratique et son idéologie, avec le fascisme.
De la marche sur Rome à l’occupation du Capitole
Si l’on examine la brève occupation du Capitole du 6 janvier, on constate tout d’abord qu’elle n’a pas grand-chose à voir avec la marche sur Rome, qui, du 28 au 30 octobre 1922, a abouti à la prise du pouvoir par Mussolini. Les historiens discutent sur le fait de savoir si cette insurrection réussie était, comme l’a présentée l’historiographie fasciste, une glorieuse conquête par 300 000 militants armés de la capitale conduite par le Duce, ou une « kermesse maladroite » (Antonino Répaci, La Marcia su Roma, 1972), un « opéra-bouffe » (Gaetano Salvemini, Le Origini del fascismo in Italia, 1979). La vérité est sans doute entre les deux. Selon les historiens Serge Berstein et Pierre Milza, « l’“armée” des chemises noires […] ne regroupa que 26 000 hommes, mal préparés, sans vivres et médiocrement armés, avançant péniblement sous une pluie battante » (Dictionnaire des fascismes et du nazisme, André Versaille éditeur, 2010). La victoire de ce mouvement a surtout été rendue possible par la faiblesse et les hésitations du gouvernement, par la complaisance de certains milieux politiques, militaires et économiques, et par l’inaction du roi, qui refusa de décréter l’état de siège à Rome. Reste que cette prise de pouvoir a été soigneusement préparée, organisée et menée à bien par la direction du parti fasciste, résolue à prendre le pouvoir par la force.
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