La guerre revitalise-t-elle les peuples ? De Hegel aux fascismes, deux siècles de controverses
La guerre est meurtrière pour les humains et destructrice pour leur habitat ainsi que l’environnement. Mais, pour certains philosophes, elle régénère et revitalise au contraire les peuples, en affermissant leur appartenance à une même communauté. Retour sur cette vieille idée, et sur ses dangereuses conséquences.
Pour Hegel, la guerre est “comme les vents qui protègent la mer de la paresse”
C’est sans doute à Hegel que l’on doit d’avoir formulé, de la manière la plus ramassée, l’idée que la guerre est source de santé pour les peuples. Dans la Philosophie du droit (1820), il écrit : « La guerre comme état dans lequel on prend au sérieux la vanité des biens et des choses temporelles [est] le moment où l’idéalité de l’être particulier […] devient une réalité. » La guerre, par le sacrifice ultime auquel elle expose, pousse l’homme à se dépouiller des choses auxquelles l’attache son intérêt particulier et même à renoncer à lui-même. Elle produit un arrachement à l’immanence, y compris à l’immanence du corps. L’individu s’élève au-delà de ce qui le particularise pour s’ouvrir à l’universel d’un idéal.
C’est en ce sens que, par la guerre, « la santé morale des peuples est maintenue dans son indifférence en face de la fixation des spécifications finies, de même que les vents protègent la mer contre la paresse où la plongerait une tranquillité durable comme une paix durable ou éternelle y plongerait les peuples ». À la guerre, l’homme n’est plus recroquevillé dans l’étroite limite de son individualité, il se transcende dans un groupe. Le peuple n’est plus un agrégat de particularités égoïstes et apathiques, mais une communauté d’idéaux.
L’amour de l’héroïsme…
C’est ce que reconnaît encore le penseur français Benjamin Constant dans De l’esprit de conquête et de l’usurpation (1814), où il loue les vertus engendrées par l’héroïsme : la guerre « favorise alors le développement de ses plus belles et de ses plus grandes facultés [celles de l’homme]. Elle lui ouvre un trésor de précieuses jouissances. Elle le forme à la grandeur d’âme, à l’adresse, au sang-froid, au courage, au mépris de la mort, sans lequel il ne peut jamais se répondre qu’il ne commettra pas toutes les lâchetés et bientôt tous les crimes. La guerre lui enseigne des dévouements héroïques et lui fait contracter des amitiés sublimes. Elle l’unit de liens plus étroits, d’une part, à sa patrie, et de l’autre, à ses compagnons d’armes. »
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