La rumeur, maladie des démocraties ?
La nomination d’Éric Coquerel à la tête de la Commission des Finances de l’Assemblée nationale a créé une polémique au sein de la France insoumise. La documentariste et essayiste Rokhaya Diallo, proche de ce parti, a dénoncé son « comportement avec les femmes » et suggéré de nommer un autre élu à ce poste. « Rumeurs infondées », a rétorqué Coquerel… avant qu’une militante de gauche ne livre un témoignage sur des « gestes déplacés » qu’il aurait eus lors d’un meeting, en 2014.
Cette nouvelle polémique pose une question plus large : qu’est-ce qu’une rumeur ? Comment opère-t-elle et pourquoi est-il parfois si difficile de s’en prémunir ? Trois philosophes nous éclairent.
Bacon : la rumeur comme perte d’esprit critique
Si la rumeur plaît, c’est d’abord parce qu’elle est une parole facile à comprendre et à relayer. Sa caractéristique première, c’est qu’elle suscite notre curiosité mais pas notre sens critique, de sorte qu’avant même de vérifier si elle est fondée ou pas, nous nous en faisons l’écho sans trop nous demander ce qu’en feront les autres. Cette attitude qui mêle sans discernement curiosité plus ou moins bienveillante et goût de la communication caractérise celui qui diffuse la rumeur. Mais agir ainsi, n’est-ce pas céder à ce que le philosophe anglais Francis Bacon appelait dans son Novum Organum (1620) « l’idole de la place publique » et « l’idole du théâtre », deux des quatre idoles qui, selon lui, blessent l’intelligence ? La première consiste à donner crédit aux mots sans les rapporter aux faits, la seconde à reprendre ce que la tradition a avalisé. C’est ainsi par paresse et par conformisme qu’on se fie à la rumeur et qu’on la diffuse sans trop se soucier de ses effets, un peu comme le font les enfants dans une cour de récréation lorsqu’ils colportent des bruits entendus ici ou là sur les uns ou les autres. Naturelle à l’homme parce qu’il est à la fois un être sociable et un être de langage, ainsi, la rumeur à laquelle on prête foi et qu’on propage relève d’abord d’un comportement infantile. Mais cela n’explique pas sa puissance destructrice.
Et si le travail du peintre était de saisir l’invisible ? Gilles Deleuze soutient ce point de vue dans Logique de la sensation, son essai sur Francis Bacon. Réflexions autour d’un panneau de Triptych, peint en 1970.
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