Francis Eustache, Denis Peschanski. Que reste-t-il de nos blessures ?
Les attentats du 13 novembre 2015 ont bouleversé la France entière. Mais quels souvenirs précis en gardons-nous trois ans après ? C’est le sens du grand programme de recherche, toujours en cours, dirigé par l’historien Denis Peschanski et le neuroscientifique Francis Eustache auprès des victimes, de leurs proches mais aussi plus largement de la société civile. Une démarche unique au monde qui livre des résultats étonnants.
Denis Peschanski : Au lendemain des attentats du 13 novembre 2015, nous avons voulu répondre avec nos armes, celles de la connaissance et de la recherche. Nous collaborions déjà depuis plusieurs années, convaincus qu’on ne peut pas séparer la dynamique cérébrale de la mémoire – dont Francis est spécialiste – et ses dynamiques sociale et historique – qui m’intéressent comme historien. La manière dont un événement traumatique s’imprime dans le cerveau des individus interfère avec la manière dont la société l’intègre, et inversement. Aussi, avons-nous voulu mettre en place un projet qui se donne les moyens de saisir l’interaction des mémoires individuelles et collectives des attentats de 2015 visant le Bataclan, les terrasses et le Stade de France.
Francis Eustache : En tant que neuropsychologue, je m’intéresse à des individus singuliers, chacun ayant une mémoire unique. Mais, pour comprendre cette mémoire individuelle et ses distorsions potentielles, il faut comprendre comment la mémoire collective interagit avec elle. Nous plaidons ensemble pour une nouvelle science de la mémoire.
D. P. : C’est le sens du programme « 13 novembre ». Il est unique au monde. Étalé sur douze années, transdisciplinaire, associant sciences humaines et neurosciences, il comporte plusieurs volets. L’étude « 1000 », d’abord, qui se propose de suivre, au travers d’entretiens filmés, l’évolution sur dix ans de la mémoire de 1 000 témoins volontaires ; l’étude « Remember », ensuite, recherche biomédicale menée pendant cinq ans à Caen par les équipes en imagerie médicale du laboratoire de Francis, auprès de 200 témoins, dont 120 exposés directement et susceptibles de développer un symptôme de stress post-traumatique ; un troisième volet, mené en partenariat avec le Crédoc [Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie], permet de croiser ces mémoires individuelles avec la mémoire collective pour sonder l’évolution de la mémoire des attentats dans l’opinion publique. Quatre autres études s’attachent à la santé publique, au rôle des médias, à la réaction du monde scolaire et aux œuvres littéraires de fiction et de non-fiction.
F. E. : Commençons peut-être par l’enquête « 1000 », l’un des deux piliers de notre programme avec le projet « Remember »…
D. P. : Nous avons distingué quatre cercles parmi nos 1 000 volontaires. Le premier cercle regroupe les plus exposés : victimes directes qui étaient dans la fosse du Bataclan, sur les terrasses mitraillées et au Stade de France au moment des deux explosions, mais aussi témoins, parents endeuillés, services de secours, policiers, hommes politiques, élus et services municipaux intervenus sur place.
F. E. : Ce sont ces personnes qui sont potentiellement exposées selon la cinquième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux – le DSM-5, la bible de la psychiatrie – au trouble de stress post-traumatique [TSPT], dans lequel les distorsions de la mémoire ont une place centrale avec, d’une part, une hypermnésie de certains éléments émotionnels et sensoriels venant de la scène traumatique, et, d’autre part, une faible capacité des patients à se rappeler de façon volontaire et consciente d’autres détails de l’événement.
Historien et directeur de recherche au CNRS, Denis Peschanski est, avec Laura Nattiez et Cécile Hochard, l’auteur de 13 Novembre. …
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