Macron ou les illusions perdues

Une recension de Frédéric Manzini, publié le

Est-ce un portrait d’Emmanuel Macron en Lucien de Rubempré ? Oui, mais c’est surtout un bilan (très) critique du quinquennat qui s’achève. Il faut dire que la déception de l’historien des idées François Dosse est à la hauteur des espoirs qu’il avait placés en celui qu’il a connu jeune, bien avant qu’il ne devienne président de la République. En 2017, Dosse avait d’ailleurs signé Le Philosophe et le Président. Ricœur & Macron (Stock, 2017) pour le défendre contre ceux qui criaient à l’imposture et attester la réalité des affinités intellectuelles qui le liait à Paul Ricœur : oui, il avait existé entre le vieux philosophe et son jeune assistant, plus qu’une collaboration, une complicité et une proximité dans leur vision du monde. Dosse croyait même reconnaître « un parallèle entre la pensée ricœurienne et la politique préconisée par le candidat Macron », avec une exigence de justice sociale, un « attachement à une laïcité ouverte et bienveillante » ou « un souci de redynamiser la démocratie en pluralisant les responsabilités » notamment. Jürgen Habermas n’avait-il pas célébré le président français fraîchement élu comme un héros de la construction européenne, en louant sa « personnalité fascinante » et son « courage » ?

Quelques années au pouvoir plus tard, la rupture était consommée… Et François Dosse de signer dès 2019 dans Le Monde une tribune fustigeant celui pour lequel il avait eu tant d’estime. Sans doute le sujet de l’immigration a-t-il fait naître ce désaveu. Mais, de manière plus générale, c’est la politique macronienne dans son ensemble que condamne Dosse en détaillant aujourd’hui les motifs de son mécontentement. Pratique verticale d’un pouvoir jupitérien, politique économique néolibérale, relégation de l’enjeu écologique au second plan, lois liberticides pendant la pandémie, caporalisation de l’Éducation nationale… Les griefs ne manquent pas dans ce véritable réquisitoire contre l’actuel locataire de l’Élysée et candidat à sa réélection. Et l’on en vient à se demander envers qui Emmanuel Macron président s’est montré le plus infidèle : l’héritage de Ricœur, les illusions de Dosse (et de quelques autres de ses électeurs) ou envers lui-même ? Mais peut-on gouverner sans trahir ses idéaux au contact de la réalité et du pouvoir ?

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