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Benjamin Voisin et Vincent Lacoste dans “Illusions perdues”, de Xavier Giannoli. © Roger Arpajou/2021 Curiosa Films - Gaumont - France 3 Cinéma - Gabriel inc. - Umedia

Cinéphilo

Les très actuelles “Illusions perdues” de Xavier Giannoli

Frédéric Manzini publié le 06 novembre 2021 4 min

Adapté sur les écrans par Xavier Giannoli, le grand roman de Balzac raconte le destin d’un jeune et charmant poète aspiré par Paris mais dont les naïfs idéaux vont se fracasser contre la réalité des usages mondains. À travers le portrait jubilatoire du monde du journalisme et de celui de la bonne société, le film interroge la place que nous accordons à nos rêves dans nos existences. Avons-nous besoin d’illusion pour y puiser l’énergie de nos ambitions, ou nous faut-il nous en défaire pour commencer enfin à vivre ? 

 

 

La bande-annonce d’Illusions perdues, de Xavier Giannoli

 

  • L’affrontement de deux grands systèmes de valeurs. Le roman de Balzac, comme le film de Giannoli, est construit autour de l’affrontement presque manichéen entre deux grands systèmes de valeurs. D’un côté, la jeunesse aussi idéaliste que naïve, toujours prête à défendre sincèrement la vérité, et romantique au sens où elle croit que la passion amoureuse suffit pour triompher de toutes les difficultés. De l’autre, la société rompue aux codes cyniques du monde, où tout n’est que mépris et savant jeu d’apparences entre initiés. Parallèlement, ce sont deux conceptions de l’écriture qui s’opposent : ici, les poètes qui n’écrivent que pour l’amour de l’art et « le goût de la beauté » ; là, l’habileté machiavélique des journalistes prêts à vendre au plus offrant une bonne critique ou disposés à lancer une polémique de toutes pièces si elle est financée par la publicité. 
  • Le triomphe du cynisme et du libéralisme. « Mais la littérature dans tout cela ? », se demande un Lucien désabusé quand il commence à comprendre que le combat est inégal et qu’il va tourner court, y compris dans sa tête. Ce n’est qu’une question de temps pour que l’argent triomphe, et ce qui vaut pour Lucien vaut également pour l’ensemble de la société : Balzac décrit le changement d’époque dont il est le contemporain, avec la naissance en France du libéralisme décomplexé après les « illusions » de la Révolution et de l’Empire. Implacable mutation, qui annonce des problèmes très contemporains comme la collusion entre le monde de la finance et une certaine presse qu’elle met à sa botte, ou la recherche effrénée de ce qui n’est pas encore appelé le buzz. Quitte, pour cela, à fabriquer les opinions en publiant de fausses informations : les fake news, qu’on appelle encore à l’époque des canards, « peut-être parce que les fausses nouvelles à sensation faisaient courir tout le monde comme on court après les canards ».
  • Les conflits intérieurs d’un « transclasse ». Pourtant longtemps porté par ses ambitions, le héros des Illusions perdues ne vit pas sa trajectoire comme une perte d’idéal, mais comme une réussite, celle de son ascension sociale. Lucien est un transfuge de classe, ou ce que Chantal Jacquet appelle un « transclasse » (Les Transclasses ou la non-reproduction, PUF, 2014) parce qu’il est passé d’un milieu ouvrier à un autre, a priori plus favorisé et parisien. C’est également le cas du personnage de Coralie, qui finit par étouffer quand elle endosse un rôle trop grand pour une modeste comédienne de boulevard. Le livre et le film donnent à ressentir les émotions que traversent les transclasses : efforts pour être intégrés, honte de ses origines, sentiment de rejet, etc. Lucien, qui balance constamment entre Lucien Chardon et Lucien de Rubempré, appartient à deux mondes à la fois – sans doute comme Balzac lui-même, à la fois romancier et mondain, artiste et par ailleurs journaliste, auteur de nombreuses chroniques et articles. 
  • Le rôle de la voix off. Mais Balzac, lui, est capable de faire la synthèse des deux mondes et dispose du recul qui lui permet d’avoir toute l’intelligence de ce qui se trame. D’un point de vie cinématographique, c’est le recours à la voix off qui permet aux spectateurs de partager son point de vue en introduisant une tension critique, un décalage entre le cours des événements et leur véritable signification. La voix off empêche les spectateurs de les éprouver avec la même naïveté que Lucien et leur permet d’être plus lucide que lui. Avant même que la réalité ne rappelle durement à l’ordre le principal protagoniste du film, elle prévient l’audience de ce qu’il faut bien appeler la niaiserie du personnage, qui se voudrait noble quand il n’est que roturier et qui se rêve poète alors qu’en réalité, il ne brille que par son art de la formule méchante et moqueuse. Rattrapé la réalité et par ses origines, dépassé par un destin qu’il croyait maîtriser alors qu’il n’en était que le pantin, on en vient presque à se dire qu’il n’a que ce qu’il mérite, à l’instar du Barry Lyndon (1975) de Stanley Kubrick, auquel le film de se permet quelques discrets renvois.
  • Après la jeunesse. Tel est le parti pris de l’œuvre de Giannoli, qui prend ses distances avec le roman de Balzac dont la tonalité est plus tendre et paternaliste. Moins attachant qu’agaçant, Lucien a-t-il seulement un réel talent de poète ? Pendant longtemps, la question est oblitérée parce que l’aspirant écrivain s’est perdu en traversant le monde – c’est-à-dire Paris. Elle vient à nouveau à se poser dans les scènes finales du film, étonnantes, où Lucien doit renaître à lui-même, alors que s’affiche une citation extraite de la correspondance de Balzac : « Je pense à ceux qui doivent trouver en eux quelque chose après le désenchantement ». Et l’on se dit qu’une fois ses illusions perdues, c’est-à-dire sa jeunesse passée, sa vie, sa vraie vie va pouvoir enfin commencer.
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