Une histoire de la “pensée décoloniale”, épisode 5/5 : du côté du Parti des Indigènes de la République
Le Parti des Indigènes de la République fait polémique. On l’accuse notamment d’antisémitisme, de sexisme et d’homophobie. Il se réclame de la pensée décoloniale. Mais quels sont les points d’accord entre les indigénistes français et le décolonial latino-américain ? Ont-ils véritablement quelque chose en commun ? Retrouvez le cinquième et dernier épisode de notre série sur l’histoire méconnue de la pensée décoloniale.
Fondé en 2008, le Parti des Indigènes de la République (PIR) est issu d’un « Appel pour les assises de l’anticolonialisme postcolonial : nous sommes les Indigènes de la République ! » datant de janvier 2005. Il tire son nom du code de l’indigénat, le régime pénal réservé aux sujets indigènes dans les anciennes colonies françaises. Ce code ne respectait pas les principes du droit français en vigueur jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, en prévoyant, par exemple, des sanctions, des déportations ou des amendes collectives. Le PIR se veut le porte-parole des injustices que subissent les populations arrivées en France après la décolonisation, qui disposent a priori des mêmes droits que tous les autres citoyens, mais qui ne sont en fait pas respectés.
Outre Houria Bouteldja, les autres membres fondateurs du PIR sont les militants Youssef Boussoumah et Sadri Khiari. Le philosophe afro-décolonial Norman Ajari a lui rejoint le PIR au cours des années 2010. S’il présente lui-même ses travaux comme engagés, il faudrait toutefois distinguer, d’une part, les thèses militantes du PIR qui ont donné lieu à des accusations d’homophobie, d’antisémitisme ou de « racisme inversé », et, d’autre part, les thèses philosophiques avancées par Ajari. Parmi celles qu’il présente dans son essai La Dignité ou la Mort. Politique et éthique de la race (La Découverte, 2019), on trouve l’usage critique du concept de « race », le projet de décolonisation de la tradition philosophique ou encore l’idée d’une « essence historique » noire, pour désigner l’inscription des luttes et des mémoires dans la conscience et l’inconscient des Afro-descendants.
Les « Indigènes » sont-ils vraiment décoloniaux ?
Comme le montre le nom de l’appel de 2005, les Indigènes de la République ont d’abord parlé d’anticolonialisme et d’émigration postcoloniale. Ce n’est qu’en 2008 que le terme « décolonial » apparaît dans l’espace public français avec une marche organisée le 8 mai par le PIR « pour un mouvement antiraciste et décolonial autonome ». Elle rassemblait des luttes anticoloniales, sociales et mémorielles hétéroclites : le conflit israélo-palestinien, les massacres Thiaroye au Sénégal en 1944, ceux de Sétif, Guelma et Kherrata en Algérie en 1945, la bataille de Điện Biên Phủ en Indochine en 1953-1954 ou encore la participation de travailleurs émigrés aux mouvements de Mai-68.
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