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Manifestation contre le racisme et la brutalité policière après la mort de George Floyd, le 13 juin 2020. © Anne-Christine POUJOULAT/AFP

Entretien

Alain Policar : “Le décolonialisme a renoncé au dialogue avec les oppresseurs”

Alain Policar, propos recueillis par Octave Larmagnac-Matheron publié le 10 décembre 2020 7 min

Nous assistons à une racialisation du monde, observe Alain Policar dans son dernier livre L’Inquiétante Familiarité de la race (Le Bord de l’eau) : on pensait que le temps du concept de race était révolu. La race fait pourtant son grand retour et s’affirme comme un outil de catégorisation du monde qui conteste toute forme d’universalisme. L’universalisme n’est pas sans tort dans la domination coloniale de l’Europe sur le monde, mais, plutôt que d’y renoncer, il faudrait surtout le repenser, selon le politologue.

 

Peut-on combattre le racisme sans recourir, d’une manière ou d’une autre, à la notion de race ?

Alain Policar : Il existe aujourd’hui un consensus autour de l’inexistence biologique des races dans l’espèce humaine. Mais cela doit pas faire oublier que la race reste une catégorie sociale « d’exclusion et de meurtre », selon l’expression de la sociologue Colette Guillaumin. Autrement dit, il existe des violences fondées sur la construction de différences « raciales ». J’adhère sans réserve à cette approche. Pour combattre efficacement le racisme, il faut reconnaître la difficulté : bien que socialement construite, la domination de « race » n’en demeure pas moins réelle. Une domination qui s’exerce au travers de la naturalisation de la différence observable entre les individus : les individus sont enfermés dans des appartenances dont ils ne peuvent s’émanciper. L’étiquette raciale produit des effets sociaux et psychologiques qui influencent fortement le destin individuel. En ce sens, en dépit de son « inexistence », la « race » peut-être un outil critique pertinent. On doit tenir compte de l’expérience vécue de ceux qu’on appelle pour cette raison les sujets « racialisés ». C’est ce que ne permettait pas de reconnaître l’universalisme classique qui se voulait aveugle aux différences, celui du modèle républicain à la française. 

 

“Le problème, c’est que la différence des groupes opprimés n’est pas vécue comme une construction historique mais un donné, une essence”
Alain Policar

 

Cet usage critique de la notion de race ne vous empêche pas, par ailleurs, de parler d’une nouvelle « racialisation du monde ». Que voulez-vous dire ? 

Par « racialisation » du monde, j’entends le retour de la race comme outil de classification, et non plus seulement comme outil critique. On l’observe par exemple en médecine, surtout aux États-Unis. Je ne mets pas en cause les intentions : si certaines maladies sont racialisées (diabète type 2, drépanocytose, cancer et même schizophrénie), c’est afin de mieux les soigner. Cependant, cet objectif vertueux se heurte à des limites objectives qui tiennent à l’inextricable imbrication du génétique et du social. Mais on observe aussi le retour du discours racialiste dans les mouvements antiracistes et décoloniaux aujourd’hui. Il y a là, je crois, une forme de refus, de la part des personnes qui subissent le racisme, que leur identité se résume à une catégorie « négative », artificielle, construite par l’oppresseur, et une volonté de redonner à cette identité un contenu « positif », naturel, substantiel. Le problème, c’est que la différence des groupes opprimés n’est pas vécue là comme une construction historique mais un donné, une essence. On rétablit ainsi une différence irréductible entre les groupes. De leur point de vue, vouloir déconstruire cette différence, ce serait reconduire le discours universaliste des dominants. Cela pose évidemment d’insolubles problèmes, ne serait-ce que de délimitation car tous les groupes ont des limites floues, et il y a autant de diversité à l’intérieur d’un groupe qu’entre la moyenne de deux groupes. Les groupes, les identités sont toujours hétérogènes. 

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