Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Au soir des élections présidentielles, le 4 novembre 2020, Donald Trump quitte l’“East Room”, la salle de réception de la Maison-Blanche, après son allocution nationale. © Chris Kleponis/Pool via CNP/Photo via Newscom/Sipa

Élections américaines

Pourquoi refuser de rendre le pouvoir est-il si grave en démocratie

Martin Legros publié le 04 novembre 2020 4 min

« Honnêtement, nous avons gagné l'élection », a déclaré Donald Trump alors que le décompte n’est pas encore terminé et que les résultats sont très serrés dans les États qui peuvent faire la différence, comme la Pennsylvanie. Sans jamais les nommer, Trump a accusé « un groupe de gens sinistres » qui seraient en train d’essayer de priver les millions de gens qui ont voté pour lui de leur victoire, alors même qu’ils « s’apprêtaient à la célébrer ».

Le raisonnement du président est le suivant : nous avons gagné haut la main là où on n’attendait pas une victoire aussi éclatante, au Texas et en Floride par exemple ; le décompte des voix nous est favorable dans les États décisifs – comme la Pennsylvanie, où les votes par correspondance n’ont pourtant pas encore été comptabilisés, sur demande expresse des avocats de Trump – ; donc nous avons déjà gagné. Et nous allons aller devant la Cour suprême – que Trump a pris soin de remanier avant l’élection – pour, dit-il, « que le vote s’arrête ». Derrière l’invocation du droit et le  raisonnement pseudo-juridique, en réalité, Donald Trump remet en question le principe même du suffrage démocratique, et plus fondamentalement, la notion centrale du pouvoir comme « lieu vide », inappropriable, telle que le philosophe Claude Lefort l’a mis à jour. Décryptage.

 

  • La démocratie se définit comme le « pouvoir » (-cratos) du « peuple » (démos). Mais qui est ce peuple qui est censé exercer le pouvoir ? Et sous quel mode peut-il exprimer sa volonté ? Pour le philosophe Claude Lefort, qui a renouvelé notre conception de la démocratie moderne, l’originalité de la démocratie tient à l’affirmation implicite suivant laquelle le pouvoir n’appartient à « personne ». Les représentants n’en sont que des mandataires, qui exercent l’autorité pour une durée définie, sous le contrôle d’une opposition. À la différence des monarques de droit divin ou des autocrates totalitaires, ils ne peuvent jamais se l’approprier. Ce que Lefort ramasse d’une formule : « En démocratie, le lieu du pouvoir est et doit demeurer un lieu vide. » Raison pour laquelle son exercice est soumis, de droit, à une remise en jeu périodique. Et raison pour laquelle la reconnaissance par ceux qui exercent le pouvoir qu’ils se prêteront à de cette remise en jeu est essentielle.
  • L’expression du suffrage universel n’est-elle pas l’occasion pour le peuple de manifester sa volonté et de la confier à un ou plusieurs gouvernants ? Sans aucun doute. Cependant, précise Lefort, le mode de manifestation de la souveraineté populaire, au travers des élections, obéit justement à une dialectique étonnante : au moment où, au terme de la compétition électorale, le peuple est censé actualiser sa volonté, ce peuple, loin de se coaguler pour former un grand corps collectif qui manifesterait enfin sa volonté unanime, se trouve en réalité dissout en unités de compte. Extraits de toutes leurs qualités concrètes – puisque les individus ne votent pas nécessairement en fonction de leur sexe, de leur âge, de leur classe sociale ou de leur profession – les citoyens délivrent, dans le secret de l’isoloir, des votes purement individuels, qui vont être comptabilisé un-à-un pour désigner une majorité et une opposition. Ce que Lefort résume d’une formule : « Le nombre se substitue à la substance. »
  • Quand on y regarde de près, c’est cette armature symbolique que Donald Trump essaie de faire éclater. Il avait déjà déclaré, avant l’élection, qu’il se réservait le droit de ne pas s’incliner devant le résultat de l’élection, si elle lui était défavorable – laissant entendre qu’il considérait que ce pouvoir lui appartenait et qu’il faisait fi des procédures. Aujourd’hui, il passe à l’acte. Le peuple, avance-t-il, ce sont les millions et millions de voix qui l’ont déjà choisi. Lui et eux forment une volonté unanime et massive. En regard de laquelle, ceux qui n’ont pas voté pour lui, et les candidats à sa succession, ne sont que des ennemis de la nation qui trament dans l’ombre pour tromper le public américain. Aussi n’est-il pas question de compter un-à-un les suffrages dès lors que la vague, telle que lui en juge, s’est exprimée. Quant au pouvoir, il n’est pas cette instance symbolique et collective dont il a provisoirement la charge ; il fait corps avec sa volonté.
  • Devant cette destruction en règle de la logique démocratique, qui anéantit la dimension symbolique du pouvoir et précipite du même coup les conflits à l’intérieur de la société comme des conflits inexpiables, il reste à espérer que les institutions démocratiques américaines – Assemblée, Cour suprême, autorités civiles et militaires, presse et partis –, seront en mesure de faire barrage à cette dérive. Le fait que le président place son action sous le contrôle de la Cour suprême laisse penser qu’il n’entend pas totalement faire fi du droit – même s’il se figure que celle-ci lui est acquise – ce qui est, en soi, un déni démocratique. Mais la distance prise par le vice-président Mike Pence, qui lui a subtilement rappelé lors de leur allocation commune que le respect du suffrage de chaque citoyen était essentiel, est un signe encourageant. C’est à cette condition en tout cas que cette élection, même si elle devait confirmer la reconduction de Donald Trump, conserverait sa légitimité démocratique.
L’extrait éclairant de Claude Lefort sur le pouvoir en tant que “lieu vide”
Expresso : les parcours interactifs
Kant et le devoir
Au quotidien, qu’est-ce que ça veut dire d’agir moralement ? Et est-ce que c’est difficile de faire son devoir ? Ces questions ne sont pas anecdotiques pour quelqu’un qui souhaite s’orienter dans l’existence. Et, coup de chance : Emmanuel Kant y a répondu. 
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
3 min
Claude Lefort : “La démocratie, c’est l’avènement du pouvoir comme lieu vide”
Claude Lefort 04 novembre 2020

Dans un texte paru en 1982, et repris dans le volume Le Temps présent. Écrits 1945-2005 (Belin, 2007), Claude Lefort met à jour la logique…

Claude Lefort : “La démocratie, c’est l’avènement du pouvoir comme lieu vide”

Article
2 min
Donald Trump : la tentation du “César rouge”
Jean-Marie Pottier 09 janvier 2024

Probable candidat républicain à l’élection présidentielle américaine de 2024, Donald Trump a affirmé à la télévision ne vouloir être « …

Donald Trump : la tentation du “César rouge”

Article
6 min
Jan-Werner Müller : “L’incertitude est un avantage crucial de la démocratie par rapport à l’autoritarisme”
Frédéric Manzini 16 février 2022

Alors que la campagne présidentielle bat son plein en France, nous avons interrogé Jan-Werner Müller, professeur de philosophie politique à…

Jan-Werner Müller : “L’incertitude est un avantage crucial de la démocratie par rapport à l’autoritarisme”

Article
9 min
Arnaud Le Pillouer : “Notre système présidentiel est inutilement compliqué, démocratiquement absurde et légèrement mensonger”
Octave Larmagnac-Matheron 10 novembre 2021

Faut-il supprimer l’élection présidentielle au suffrage direct ? La question doit en tout cas être posée, selon le constitutionnaliste…

Arnaud Le Pillouer : “Notre système présidentiel est inutilement compliqué, démocratiquement absurde et légèrement mensonger”

Article
3 min
Les deux corps des présidents américains
Jean-Marie Pottier 06 octobre 2020

Dans Les Deux Corps du roi. Essai sur la théologie politique au Moyen Âge (1957), Ernst Kantorowicz donne une définition de cette « …

Les deux corps des présidents américains

Article
8 min
Roger Berkowitz (2/2) : “C’est sur le plan politique qu’il faut battre Trump, pas sur le plan légal”
Martin Legros 17 janvier 2024

Donald Trump, qui caracole en tête des sondages dans le camp républicain, a-t-il une chance d’être élu en 2024 ? Oui, selon le philosophe…

Roger Berkowitz (2/2) : “C’est sur le plan politique qu’il faut battre Trump, pas sur le plan légal”

Article
4 min
La vague autoritaire
Chiara Pastorini 20 septembre 2012

L’élection de Silvio Berlusconi à la tête du gouvernement italien et celle d’un néofasciste à la mairie de Rome sont le signe inquiétant d’un…

La vague autoritaire

Article
10 min
Roger Berkowitz (1/2) : “Pour neutraliser Trump, il aurait fallu jouer la carte du pardon”
Martin Legros 17 janvier 2024

Alors qu’il est poursuivi devant plusieurs tribunaux pour des crimes graves, Donald Trump vient de remporter la primaire républicaine de l’État de…

Roger Berkowitz (2/2) : “C’est sur le plan politique qu’il faut battre Trump, pas sur le plan légal”

À Lire aussi
Donald Trump sera-t-il à nouveau président ?
Donald Trump sera-t-il à nouveau président ?
Par Batiste Morisson
novembre 2022
Roger Barkowitz : “Pour neutraliser Trump, il aurait fallu jouer la carte du pardon”
Roger Barkowitz : “Pour neutraliser Trump, il aurait fallu jouer la carte du pardon”
Par Martin Legros
février 2024
Roger Berkowitz : “Cette campagne témoigne d’un éclatement du ‘monde commun’ au sens de Hannah Arendt”
Roger Berkowitz : “Cette campagne témoigne d’un éclatement du ‘monde commun’ au sens de Hannah Arendt”
Par Martin Legros
novembre 2020
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Pourquoi refuser de rendre le pouvoir est-il si grave en démocratie
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse