L’éditeur, écrivain et journaliste François Maspero est mort

Né en 1932 à Paris, il grandit au milieu des livres, au sein d’une famille érudite et bourgeoise : un père professeur au Collège de France, spécialiste de l'Extrême-Orient et une mère issue d’une famille fortunée. La mort de son frère, assassiné par les nazis durant l’été 1944, marque François Maspero à vie ; il fera de cette absence l’un des cœurs de son écriture.

Le jeune homme abandonne des études d'ethnologie, pour faire ses premiers pas dans une librairie de la rue Monsieur-le-Prince, à Paris : La Joie de lire, qu’il reprend à 23 ans, en 1955. S’y retrouvent révolutionnaires et dissidents de tous pays, la jeunesse estudiantine et les groupes gauchistes.

Prolongement logique de cet engagement à gauche, François Maspero, brièvement encarté au Parti communiste puis à la Ligue communiste révolutionnaire, fonde les éditions éponymes en 1959 tandis que la guerre d’Algérie divise l’opinion. La Guerre d'Espagne, un essai du dirigeant du Parti socialiste italien, Pietro Nenni, inaugure ce travail d’édition attaché à combattre le « caractère insoutenable des guerres coloniales », comme en témoigne l’éditeur dans un entretien accordé à l’ancien guérillero argentin Miguel Benasayag.

Plus de 1350 titres et une dizaine de revues sont publiés. Frantz Fanon, Louis Althusser, Élisabeth Roudinesco, Bernard Henri-Lévy, John Berger, Alain Badiou, Jacques Rancière comptent parmi les auteurs défendus par François Maspero, tandis que Maurice Godelier et Jean-Pierre Vernant dirigent des collections. Mais les amendes et les interdictions vident les caisses ; s’y ajoutent les nombreux vols de livres dans la librairie. Il doit s’en séparer en 1974, maintenant malgré la censure et les nombreux procès – près de dix-sept condamnations! – les éditions Maspero à bout de bras… jusqu’en 1982. Épuisé, il démissionne alors et cède ses parts dans la maison d'édition pour un franc symbolique à son jeune collaborateur François Gèze, qui crée les Éditions de La Découverte. François Maspero se consacre alors à l’écriture et au journalisme.

Paraissent Le Sourire du chat, Les Passagers du Roissy-Express – un reportage « au long cours » sur les voyageurs de la ligne B du RER –, ainsi que des chroniques de guerre, en Bosnie, à Cuba, aux Caraïbes, en Israël et en Palestine… Notamment traducteur de Luis Sepúlveda, de John Reed, de Jesus Diaz ou de Joseph Conrad, il fait paraître Les Abeilles et la Guêpe, une autobiographie, en 2003 et reçoit le prix Prix Édouard-Glissant pour l'ensemble de son œuvre, en 2006.