Hervé Goerger : “Les envahisseurs du Capitole font de la rhétorique ‘freak’ le moyen d’une action fascisante”

Les militants pro-Trump qui ont envahi le Capitole avaient des costumes étranges. De quoi s’agissait-il ? 

Hervé Goerger : C’est un chaos de signes confus, avec un mélange de folklore amérindien, de mythologie nordique et de références traditionnelles de l’extrême droite américaine, antisémite, esclavagiste et suprémaciste. Un homme portait un pull faisant référence au camp d’extermination nazi d’Auschwitz. D’autres avaient des peaux de bêtes et des cornes. D’autres de simples casquettes typiquement américaines. Mais la plupart cherchait manifestement à se mettre en scène, le plus bruyamment et spectaculairement possible. C'est qu'il s’agissait avant tout d’une performance scénique.

Parmi tous ces personnages, le plus marquant est Jake Angeli. Qui est-il et comment interpréter sa tenue ?

Jake Angeli est un membre actif de la mouvance conspirationniste QAnon, pour qui Donald Trump est un héros qui a pour mission de détruire le complot pédophile et satanique qui dirige les États-Unis d’Amérique. Mais c’est aussi un acteur de l’Arizona qui n’a pas réussi à percer et qui a la volonté de créer l'événement, de déclencher le happening radical qui va propulser sa carrière. J’ai vu passer une image avec sa photo et l’inscription : « This will make history ». Et c’est réussi ! Il porte un déguisement de bison, couvert d’une pelure animale et de cornes. On peut y voir une référence à Davy Crockett et aux pionniers du continent américain, comme le laisse penser sa coiffe qui rappelle les chapeaux en queue de castor. Il est par ailleurs couvert de tatouages – avec Yggdrasil, l’arbre-monde de la mythologie nordique, au niveau du cœur, le Valknut, les trois triangles entrelacés du dieu Wotan, sous la clavicule… et sur ses biceps, des briques dont on peine à comprendre le sens.