Washington 2021-Rome 63 av. J.-C. : qu’est-ce qu’une conjuration ?

Les événements auxquels nous avons assisté avant-hier sont les plus graves qu’aient connu les États-Unis depuis la guerre de Sécession. Leur importance dépasse de très loin l’attaque de Pearl Harbor ou celle du 11-Septembre, auxquelles on les a couramment comparés. L’attaque de Pearl Harbor n’a fait que sceller l’inévitable et prévisible entrée en guerre des États-Unis contre les puissances de l’Axe. Celle du 11-Septembre, aussi horrible et spectaculaire ait-elle été, n’aurait été qu’un attentat terroriste de plus, si l’administration Bush ne s’en était emparée pour déclencher, à la faveur d’un mensonge – la complicité entre l’Irak et Al Qaida –, une deuxième guerre du Golfe, ouvrant ainsi la voie à la déstabilisation du Moyen-Orient dont nous vivons aujourd’hui encore les conséquences. 

L’assaut contre le Congrès est d’une gravité sans précédent parce qu’elle émane du peuple américain lui-même. Il ne s’agit pas d’une poignée de « voyous » (thugs), contrairement à ce qu’a dit M. Biden dans son allocution de mercredi. Derrière ces visages offrant le spectacle de l’ignorance en acte, de la bêtise nourrie, choyée, entretenue, il y a des millions d’Américains maintenant convaincus que M. Trump a réellement remporté les élections. Contrairement à ce qu’on affirme trop vite, sans avoir eu le temps encore de prendre le pouls de l’opinion, rien ne dit que la condamnation des violences fasse l’unanimité. 

L’attaque d’hier est d’une gravité sans précédent parce qu’elle est un acte de guerre civile. De celles qui font sombrer les Républiques. De retour au Sénat, dans un discours aussi beau que vain, et d’autant plus ému qu’il se savait inutile, Michael Bennet, sénateur démocrate du Colorado, a dit ceci :

« Les Fondateurs de ce pays, les gens qui ont écrit notre Constitution, connaissaient en fait notre histoire mieux que nous ne connaissons notre histoire. Et je pensais à cette histoire aujourd’hui, où nous avons assisté à cette émeute à Washington, en pensant à ce que les Fondateurs avaient en tête lorsqu’ils ont rédigé notre Constitution, à savoir : ce qui est arrivé à la République romaine lorsque les gangs armés – agissant pour le compte des politiciens – empêchaient Rome de voter pour les consuls, pour les prêteurs, pour les sénateurs. Ces bandes armées couraient les rues de Rome, empêchant la tenue des élections. Et à la fin, à cause de cela, la République romaine est tombée, et un dictateur a pris sa place. Et ce fut la fin de la République romaine et de toute république d’ailleurs, jusqu’à ce que cette belle Constitution soit écrite, aux États-Unis d’Amérique. »