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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Grand oral du bac

Timidité : pourquoi s’en cacher ?

Clara Degiovanni publié le 20 juin 2022 4 min

Joues écarlates, mains tremblantes, front trempé, voix hésitante… Le grand oral du baccalauréat commence, au grand dam des grands timides. C’est l’occasion de s’interroger sur ces symptômes si communs ressentis lors des épreuves, des cérémonies officielles et des situations angoissantes. Notre timidité vient-elle de notre corps ou de notre esprit ? Est-elle une maladie ou une simple manière d’être au monde, un trait de caractère ?

Comprendre les origines profondes de la timidité permet de l’envisager autrement. Au lieu de chercher à la guérir, on peut choisir de la considérer comme un véritable objet philosophique qui témoigne de notre humanité. Alain, Sartre et Philippe Vilain nous éclairent sur la signification profonde de la timidité.

 

  • La rébellion du corps. « La timidité est une étrange maladie », estime le philosophe Alain (de son vrai nom Émile-Auguste Chartier) dans ses Esquisses de l’homme (1927). Si le terme de « maladie » peut paraître excessif, il permet de qualifier la dimension profondément organique d’un phénomène qui se présente selon l’auteur comme « une révolte que l’on sent courir dans les frontières du corps ». Tout se passe comme si le corps du timide se rebellait contre lui-même. « Tous ces mauvais diables de muscles sont en humeur de désobéir ; et cette émeute préliminaire vous met la sueur au front […] et la colique au ventre », poursuit Alain. Contre cette rébellion, la volonté du timide demeure impuissante, ce qui le décourage. Plus il se crispe en luttant contre lui-même, plus il aggrave ses symptômes. Concrètement, cette rébellion se manifeste par des détails que les autres ne perçoivent presque pas. Par exemple, nous dit encore Alain, « s’il faut pousser une porte, naturellement vous tirerez ». Mais si vous êtes vraiment timides, vous interpréterez chacune de ces maladresses comme le signe d’un échec à venir. Vicieuse, la timidité « semble n’avoir d’autre fin que de rappeler au pouvoir gouvernant qu’il sera mal servi, quoi qu’il entreprenne ». Elle ne provoque pas l’échec en lui-même, mais la peur de cet échec, dont chaque tremblement semble être le signe imminent. Dès lors, il ne s’agit pas d’ignorer « l’émeute » ni de tenter de la (faire) taire à tout prix, mais de ne pas donner à ces symptômes la force d’un signal d’alerte. Ce n’est pas parce que la voix bégaie ou que l’on s’est pris les pieds dans le tapis que tout est fichu…
  • La peur du regard des autres. Hélas, ignorer les symptômes de la timidité n’est pas chose facile. Dans une situation angoissante par exemple, le timide va petit à petit sentir la chaleur lui monter au visage, ce qui déclenche un engrenage. Il a peur de rougir, donc il rougit, il se rend compte qu’il est rouge… et il rougit encore plus. Cette crainte autoréalisatrice porte un nom : l’éreutophobie, formé à partir du grec éreuthos (ἔρευθος), qui signifie « rougeur », et de phóbos (φόβος), « la peur ». Jean-Paul Sartre considère que cette angoisse est une véritable « psychose ». Pourtant, selon le philosophe, ce qui fait peur au timide n’est pas d’être écarlate, mais d’être perçu comme tel par un auditoire. « Le timide a une conscience vive et constante de son corps tel qu’il est, non pour lui, mais pour l’autre », explique-t-il dans L’Être et le Néant (1943). Ce qui le plonge dans un abîme d’angoisse, c’est donc la perception que les autres se font de ce corps rougissant : ce que Sartre appelle « le corps pour autrui ». Or, personne ne peut jamais contrôler, à l’avance, la manière dont il sera perçu par les autres. La timidité révèle donc une condition fondamentale de notre manière d’être au monde : nous agissons « à l’aveuglette », nous dit Sartre. Nous n’avons aucune idée de la manière dont nos actes vont être perçus et interprétés. C’est ce risque que l’on prend lorsqu’on se confronte à autrui, que ressent le timide avec particulièrement d’intensité. Le timide n’est pas un maladroit, mais au contraire quelqu’un qui a une conscience aiguë de la dimension incertaine et non maîtrisable de chaque interaction. Au lieu de se battre contre sa timidité, il peut donc choisir de l’accepter comme la preuve de son humanité.
  • La qualité des vrais audacieux. « Drôle d’idée que de vouloir guérir de sa timidité ! », s’exclame l’écrivain Philippe Vilain, dans sa Confession d’un timide (Grasset, 2010). D’abord, parce que c’est impossible. Selon lui, « la meilleure volonté ne peut rien contre nos émotions, sinon nous apprendre à les apaiser ». Le colérique ou le jaloux apprennent à maîtriser leurs émotions sans pouvoir les éradiquer ; il en est de même pour le timide, qui conserve ce trait de tempérament à vie, mais peut néanmoins apprendre à vivre avec sans en souffrir. La meilleure manière de bien vivre sa timidité est de cesser de la voir comme un fardeau : « Nulle émotion plus naturelle, plus humaine, en réalité », considère l’auteur. Si la timidité humanise, c’est parce qu’elle nous oblige à faire face à nos craintes les plus intimes. Là où le « non-timide », toujours à l’aise, semble constamment se mouvoir en territoire conquis, le timide apprend très tôt à affronter à ses peurs. « Il est probable que la timidité, en confrontant aux obstacles, en affûtant sans cesse la volonté, rende audacieux, défiant et ambitieux », estime Philippe Vilain. À tous les timides qui passent le grand oral : nul besoin « d’affronter » ou « d’éradiquer » votre timidité. Loin d’être un vilain défaut, elle peut être une manière de trouver en soi des forces insoupçonnées.
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