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Pierre Joseph Proudhon. © Domaine Public. Illustration © William L. pour PM

L’aventure d’un classique

“Qu’est-ce que la propriété ?”, de Proudhon : extraits choisis

Pierre-Joseph Proudhon publié le 19 septembre 2023 18 min

Nous vous proposons des extraits choisis de Qu'est-ce que le propriété ? (1840), de Pierre-Joseph Proudhon.

 

Chapitre I

Idée d’une révolution

[…]

Le peuple, si longtemps victime de l’égoïsme monarchique, crut s’en délivrer à jamais en déclarant que lui seul était souverain. Mais qu’était-ce que la monarchie ? la souveraineté d’un homme. Qu’est-ce que la démocratie ? la souveraineté du peuple, ou, pour mieux dire, de la majorité nationale. Mais c’est toujours la souveraineté de l’homme mise à la place de la souveraineté de la loi, la souveraineté de la volonté mise à la place de la souveraineté de la raison, en un mot, les passions à la place du droit. Sans doute, lorsqu’un peuple passe de l’état monarchique au démocratique il y a progrès, parce qu’en multipliant le souverain on offre plus de chances à la raison de se substituer à la volonté ; mais enfin il n’y a pas révolution dans le gouvernement, puisque le principe est resté le même. Or nous avons la preuve aujourd’hui qu’avec la démocratie la plus parfaite on peut n’être pas libre.

Ce n’est pas tout – le peuple-roi ne peut exercer la souveraineté par lui-même ; il est obligé de la déléguer à des fondés de pouvoir : c’est ce qu’ont soin de lui répéter assidûment ceux qui cherchent à capter ses bonnes grâces. Que ces fondés de pouvoir soient cinq, dix, cent, mille, qu’importe le nombre et que fait le nom ? c’est toujours le gouvernement de l’homme, le règne de la volonté et du bon plaisir. Je demande ce que la prétendue révolution a révolutionné ?

On sait, au reste, comment cette souveraineté fut exercée, d’abord par la Convention, puis par le Directoire, plus tard confisquée par le consul. Pour l’empereur, l’homme fort, tant adoré et tant regretté du peuple, il ne voulut jamais relever de lui : mais comme s’il eût eu dessein de le narguer sur sa souveraineté, il osa lui demander son suffrage, c’est-à-dire son abdication, l’abdication de cette inaliénable souveraineté, et il l’obtint.

Mais enfin, qu’est-ce que la souveraineté ? C’est, dit-on, le pouvoir de faire des lois. Autre absurdité, renouvelée du despotisme. Le peuple avait vu les rois motiver leurs ordonnances par la formule : car tel est notre plaisir ; il voulut à son tour goûter le plaisir de faire des lois. Depuis cinquante ans il en a enfanté des myriades, toujours, bien entendu, par l’opération des représentants. Le divertissement n’est pas près de finir.

Au reste, la définition de la souveraineté dérivait elle-même de la définition de la loi. La loi, disait-on, est l’expression de la volonté du souverain : donc, sous une monarchie, la loi est l’expression de la volonté du roi ; dans une république, la loi est l’expression de la volonté du peuple. À part la différence dans le nombre des volontés, les deux systèmes sont parfaitement identiques : de part et d’autre l’erreur est égale, savoir que la loi est l’expression d’une volonté, tandis qu’elle doit être l’expression d’un fait. Pourtant on suivait de bons guides : on avait pris le citoyen de Genève pour prophète, et le Contrat social pour Alcoran.

La préoccupation et le préjugé se montrent à chaque pas sous la rhétorique des nouveaux législateurs. Le peuple avait souffert d’une multitude d’exclusions et de privilèges, ses représentants firent pour lui la déclaration suivante : Tous les hommes sont égaux par la nature et devant la loi ; déclaration ambiguë et redondante. Les hommes sont égaux par la nature : est-ce à dire qu’ils ont tous même taille, même beauté, même génie, même vertu ? Non : c’est donc l’égalité politique et civile qu’on a voulu désigner. Alors il suffisait de dire : Tous les hommes sont égaux devant la loi.

Mais qu’est-ce que l’égalité devant la loi ? Ni la constitution de 1790, ni celle de 1793, ni la charte octroyée, ni la charte acceptée, n’ont su la définir. Toutes supposent une inégalité de fortunes et de rangs à côté de laquelle il est impossible de trouver l’ombre d’une égalité de droits. À cet égard on peut dire que toutes nos constitutions ont été l’expression fidèle de la volonté populaire : je vais en donner la preuve.

Autrefois le peuple était exclu des emplois civils et militaires : on crut faire merveille en insérant dans la Déclaration des droits cet article ronflant : « Tous les citoyens sont également admissibles aux emplois ; les peuples libres ne connaissent d’autre motif de préférence dans leurs élections que les vertus et les talents. »

Certes, on dut admirer une si belle chose ; on admira une sottise. Quoi ! le peuple souverain, législateur et réformateur, ne voit dans les emplois publics que des gratifications, tranchons le mot, des aubaines ! Et c’est parce qu’il les regarde comme une source de profit, qu’il statue sur l’admissibilité des citoyens. Car à quoi bon cette précaution, s’il n’y avait rien à gagner ? on ne s’avise guère d’ordonner que nul ne sera pilote, s’il n’est astronome et géographe, ni de défendre à un bègue de jouer la tragédie et l’opéra. Le peuple fut encore ici le singe des rois : comme eux il voulut disposer des places lucratives en faveur de ses amis et de ses flatteurs ; malheureusement, et ce dernier trait complète la ressemblance, le peuple ne tient pas la feuille des bénéfices, ce sont ses mandataires et représentants. Aussi n’eurent-ils garde de contrarier la volonté de leur débonnaire souverain.

Cet édifiant article de la Déclaration des droits, conservé par les Chartes de 1814 et de 1830, suppose plusieurs sortes d’inégalités civiles, ce qui revient à dire d’inégalités devant la loi : inégalité de rangs, puisque les fonctions publiques ne sont recherchées que pour la considération et les émoluments qu’elles confèrent ; inégalité de fortunes, puisque si l’on avait voulu que les fortunes fussent égales, les emplois publics eussent été des devoirs, non des récompenses ; inégalité de faveur, la loi ne définissant pas ce qu’elle entend par talents et vertus. Sous l’Empire, la vertu et le talent n’étaient guère autre chose que le courage militaire et le dévouement à l’empereur : il y parut, quand Napoléon créa sa noblesse et qu’il essaya de l’accoupler avec l’ancienne. Aujourd’hui l’homme qui paye deux cents francs d’impositions est vertueux : l’homme habile est un honnête coupeur de bourses ; ce sont désormais des vérités triviales. […]

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