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Pierre Rosanvallon en 2015. © Ulf Andersen/Aurimages/AFP

Populisme / France

Pierre Rosanvallon : “L’indignation est une réaction aux épreuves de la vie”

Pierre Rosanvallon, propos recueillis par Charles Perragin publié le 23 septembre 2021 3 min

Alors que les identités de classe perdent de leur centralité pour expliquer les mouvements sociaux, le sociologue Pierre Rosanvallon propose d’être plus attentif à leur dimension émotionnelle.

 

Vous partez d’un constat : nous ne comprenons plus le monde social. Pourquoi ?

Pierre Rosanvallon : Depuis une vingtaine d’années, les partis politiques déclinent, tout comme le syndicalisme. La dichotomie droite-gauche et ses polarités (exploiteurs contre exploités, ordre contre justice, intérêts contre valeurs, etc.) n’ont plus la capacité de produire des idéologies qui canalisent les conflits. Ce sont les mouvements sociaux eux-mêmes que nous ne comprenons plus. Les « gilets jaunes » sont apparus comme une énigme sociologique. Si l’on réduit ce qu’on appelle les classes populaires à un critère de revenu, on loupe une grande partie de la réalité vécue. Il s’agit de réévaluer la dimension subjective du monde social, ce qu’il y a de plus sensible et de plus proche dans la vie des individus. Avec le concept d’« épreuves », je montre en fait que ce sont les émotions qui aujourd’hui génèrent des communs, et non plus seulement les doctrines, les idées ou les intérêts de classe portés par les partis politiques et la représentation en général. Nous avons l’objectivité des statistiques sociales, mais il nous manque toute une cartographie émotionnelle. 

 

Quelle carte proposez-vous ?

Il y a tout d’abord les épreuves existentielles qui mettent en cause l’intégrité des individus, leur identité, comme dans les cas de harcèlement moral ou sexuel. Ensuite, il y a les épreuves de l’altération de l’idéal d’égalité, comme celles du mépris, de distinction ou de classe, mais aussi de mépris d’indifférence. Pensez à l’épreuve des « invisibles », ce monde parallèle des subalternes soustraits à la reconnaissance d’autrui. Cette épreuve, caractérisée par la colère, le ressentiment et l’humiliation, a regroupé les « gilets jaunes » bien plus que la conscience des inégalités factuelles. Il y a aussi l’épreuve de la discrimination – qui a fait naître le mouvement Black Lives Matter – et celle de l’injustice. Car on s’indigne des inégalités, mais c’est la blessure personnelle provoquée par l’injustice qui nous précipite dans la rue, comme quand les règles (générales) sont accusées de ne pas prendre en compte les situations (particulières). La colère contre la taxation de l’essence en 2018, par exemple, vient de là. Enfin, il y a les épreuves de l’incertitude provoquant les sentiments de défiance ou d’anxiété que l’on retrouve dans les marches pour le climat comme dans la protestation contre la réforme des retraites.

 

D’où vient cette centralité des émotions ? 

Dans la grande histoire de la modernité européenne, chaque individu devenait plus libre en étant une figure du collectif. Prenez le cas de la classe ouvrière jusqu’à la fin du XXe siècle : être membre de la classe ouvrière, c’était s’assimiler à des modes de vie, à des quartiers, à une culture avec ses habits, à sa langue et à ses chansons, à une histoire sur laquelle le prolétariat, représenté et plus fort politiquement, pensait écrire une nouvelle page de l’histoire de l’humanité. L’insertion dans une communauté vous enrichissait, vous donnait plus de consistance, de fierté. Mais, progressivement, nous sommes passés d’un individualisme d’universalité à un individualisme de singularité. À partir d’un certain niveau de développement des sociétés, chacun est porté à penser qu’il peut être lui-même la source de sa construction personnelle. La perception du monde en ressort changée. L’injustice n’est plus évaluée dans un rapport de classes mais dans un rapport de soi au monde. L’indignation n’est plus affaire de statistiques, elle est une réaction aux épreuves que nous traversons, ici et maintenant.

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Article issu du magazine n°153 septembre 2021 Lire en ligne
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