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Théo Legendre/AFP

Revue de presse

Les philosophes derrière les gilets jaunes

Cédric Enjalbert publié le 07 décembre 2018 5 min

En faveur de la mobilisation des “gilets jaunes”, des philosophes de tous bords prennent la plume pour la défense de la “décence ordinaire”. Tour d’horizon de leurs arguments.

Décence ordinaire

Dans la rue comme sur le champ intellectuel, le mouvement des « gilets jaunes » fédère des individus de tous bords, classés à droite comme à gauche, autour d’une défense de la « France d’en-bas ». Des philosophes comme Michel Onfray et Jean-Claude Michéa se retrouvent à défendre ce mouvement protestataire au non de la « décence ordinaire », cette notion due à George Orwell. Pour l’essayiste anarchiste, ce sont précisément ces valeurs « populaires », cette morale commune attentive aux injustices, qui sont humiliées par « les formes tyranniques du pouvoir moderne ». 

Prônant la « gauche libertaire » contre la « gauche libérale », Michel Onfray évoque le modèles « des jacqueries paysannes au travers des siècles » et « du socialisme libertaire du XIXe siècle », il se place aux cotés du « peuple invisible ». « Cette jacquerie, comme celle des bonnets rouges, me plaît, écrit-il dans une lettre ouverte publiée sur son site. Car elle montre qu’il existe en France, loin de la classe politique qui ne représente plus qu’elle-même, des gens ayant compris qu’il y avait une alternative à cette démocratie représentative qui coupe le monde en deux, non pas la droite et la gauche, les souverainistes et les progressistes, les libéraux et les antilibéraux, non, mais entre ceux qui, de droite ou de gauche, exercent le pouvoir, et ceux sur lesquels il s’exerce – peu importe qu’ils soient de droite ou de gauche. »

Pour Jean-Claude Michéa, lui aussi lecteur de George Orwell et défenseur de la décence ordinaire, « le mouvement des “gilets jaunes” (bel exemple, au passage, de cette inventivité populaire que j’annonçais dans Les Mystères de la gauche) est, d’une certaine manière, l’exact contraire de “Nuit Debout ” ». Selon lui, le mouvement d’occupation des places était une révolte « d’urbains hypermobiles et surdiplômés », comme il l’écrit dans une lettre ouverte parue sur le site Les Amis de Bartleby. « Ici, au contraire, ce sont bien ceux d’en bas (tels que les analysait Christophe Guilluy – d’ailleurs curieusement absent, jusqu’ici, de tous les talk-shows télévisés, au profit, entre autres comiques, du réformiste sous-keynésien Besancenot), qui se révoltent, avec déjà suffisamment de conscience révolutionnaire pour refuser d’avoir encore à choisir entre exploiteurs de gauche et exploiteurs de droite ».

 

La France périphérique

Christophe Guilly est en effet l’autre référence récurrente sollicitée en soutien des « gilets jaunes ». Pour l’auteur de La France périphérique (Flammarion, 2014) et du Crépuscule de la France d’en haut (Flammarion, 2016), il existe une fracture hexagonale, que la représentation politique ignore, entre les métropoles et les territoires « périphériques », ceux des villes moyennes et des territoires ruraux où vit 60 % de la population. Dans un entretien accordé en 2016 à Philosophie magazine, le géographe annonçait la situation à venir : « Si la démocratie, c’est donner le pouvoir à ceux qui n’en ont pas, expliquait-il, la vraie révolution serait d’aller vers ces territoires qui ne créent pas de richesse. Soit on va vers eux, soit ils saisiront tous les leviers possibles : populisme, extrême droite, radicalisation islamique. On a vu la violence du mouvement des Bonnets rouges  ! Il faut entendre la colère qui sourd des territoires. Sinon, aux citadelles médiévales répondront les jacqueries ».

La défense de ces territoires abandonnés de la République se poursuit jusqu’à l’Académie française, où siège Alain Finkielkraut. L’Immortel prend la plume dans Le Figaro pour se féliciter, tout en regrettant les violences et les destructions, que les classes populaires se retrouvent à « l'avant-garde de l'histoire. Elles avaient délaissé le camp du progrès pour celui du repli protectionniste et particulariste. Et voici que l'ancien monde fait de la résistance. Il sort de l'invisibilité. Il se rappelle, en mettant des gilets jaunes fluorescents, au bon souvenir de la start-up nation. Ce surgissement soudain, cette révolte des “somewhere” [les “gens de quelque part”] contre les “anywhere” [les “gens de partout”] m'a, en effet, ravi. » 

 

La défense du populisme

La philosophe Chantal Mouffe, inspiratrice des mouvements Syriza, Podemos, La France insoumise et Nuit Debout, donne un nom à l’établissement de cette frontière entre le peuple « d’en bas » et les élites, la France des métropoles et la France périphérique : le populisme. « Cette construction d’une nouvelle frontière, affirme-t-elle dans Libération, est le résultat de l’émergence de toute une série de résistances à trente années d’hégémonie néolibérale qui ont instauré une post-démocratie. Cette post-démocratie se caractérise par la crise de la représentation politique et la crise du système économique néolibéral. D’abord, les citoyens ont le sentiment de ne pas avoir de véritable choix entre les différentes offres politiques, ils ne distinguent plus le centre droit du centre gauche. Et se demandent pourquoi aller voter. C’est un mouvement de fond commun à toute l’Europe occidentale. C’est ce que j’appelle “l’illusion du consensus” : les individus ont l’impression d’être oubliés, ils veulent qu’on les écoute. » Et la philosophe, autrice de Pour un populisme de gauche (Albin Michel, 2018), de rappeler l’importance des émotions en politique et d’appeler à la constitution de ce « populisme de gauche » comme une « stratégie de construction discursive d’une nouvelle frontière politique » entre le peuple et l’oligarchie. Comme en témoignent les « gilets jaunes », les demandes de ce peuple sont hétérogènes. Mais leur « unité est garantie par l’identification à une conception démocratique radicale de la citoyenneté ».

 

L’émotion en politique

Le philosophe Frédéric Gros, auteur de Désobéir (Albin Michel, 2016), insiste lui aussi sur la dimension essentiellement émotionnelle de cette mobilisation. « Ce sont des moments de renversement des peurs, explique-t-il dans Libération. S’y inventent de nouvelles solidarités, s’y expérimentent des joies politiques dont on avait perdu le goût et la découverte qu’on peut désobéir ensemble. C’est une promesse fragile qui peut se retourner en son contraire. Mais on ne fait pas la leçon à celui qui, avec son corps, avec son temps, avec ses cris, proclame qu’une autre politique est possible. »

Comme Chantal Mouffe, le philosophe, professeur de pensée politique à Sciences-Po, prend acte de la disparité des revendications de ce peuple en colère, qui peut produire un « malaise » mais ce malaise une force. Car cette hétérogénéité « rend impossible la stigmatisation d’un groupe et le confort d’un discours manichéen. Il a produit une sidération de la part des “élites” intellectuelles ou politiques. Non seulement elles n’y comprennent rien mais, surtout, elles se trouvent contestées dans leur capacité de représentation, dans la certitude confortable de leur légitimité. Leur seule porte de sortie, au lieu d’interroger leur responsabilité, consiste pour le moment à diaboliser ce mouvement, à dénoncer son crypto-fascisme. Cela leur permet de prendre la posture de défenseur de la démocratie en péril, de rempart contre la barbarie et de s’héroïser une nouvelle fois. »

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