Nathalie Sarthou-Lajus : “Il faut ‘déghettoïser’ les Ehpad”
Après la parution des Fossoyeurs (Fayard, 2022), enquête de Victor Castanet sur la maltraitance dans certains Ehpad, la question du grand âge est au cœur d’un débat politique. Avons-nous abandonné collectivement les « vieux » ? Comment aider nos aînés dépendants à vivre mieux ? La philosophie Nathalie Sarthou-Lajus, à qui l’on doit notamment Le Geste de transmettre (Bayard, 2017) et Vertige de la dépendance (Bayard, 2021), livre son analyse.
Avez-vous été surprise par l’ampleur du scandale actuel ou considérez-vous que la situation dans les Ehpad était un secret de Polichinelle ?
Nathalie Sarthou-Lajus : Les grèves de personnels soignants en maison de retraite ou en Ehpad sont des phénomènes récurrents depuis plusieurs années, qui témoignent de l’épuisement professionnel des soignants et de l’inquiétude sur la qualité des soins prodigués aux personnes âgées. Quand le soin devient l’objet de pratiques managériales qui reposent sur la rentabilité et l’efficacité, le risque est grand de le vider de tout sens et de maltraiter les soignés comme les soignants. Car foncièrement, tout travail de soin repose sur une attention à l’autre qui résiste à ce type d’évaluation. Le scandale avec les personnes âgées dans les Ehpad, c’est qu’elles sont des victimes réduites au silence et invisibilisées. Un avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) publié en février 2018, dont Régis Aubry et Cynthia Fleury étaient les coordinateurs, nous avait alerté sur la nécessité de favoriser « la déghettoïsation des Ehpad », en proposant d’autres alternatives pour éviter la concentration et l’exclusion de personnes âgées dépendantes, comme la création de nouvelles résidences intergénérationnelles où des personnes déjà dépendantes trouveraient leur place avec un suivi médical assuré par un Ehpad proche.
“Tout travail de soin repose sur une attention à l’autre, qui résiste aux évaluations managériales reposant sur la rentabilité et l’efficacité”
Avez-vous une expérience personnelle des conditions de vie dans les Ehpad ?
Non, mes parents, dont le vieillissement me soucie, ne souffrent pas d’incapacité pour le moment. La représentation de la maison de retraite ou de l’Ehpad comme « mouroir » est pour moi source d’une inquiétude : comment préserver le droit des personnes âgées ou des personnes en fin de vie d’être « des vivants jusqu’au bout », pour reprendre l’expression de Paul Ricœur ?
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