Une chaire de philosophie inaugurée dans un hôpital parisien
« Réinventer la relation au soin, à la maladie, à la vie » : c’est avec ce crédo que la philosophe Cynthia Fleury inaugure, ce mardi à 18 heures à l’Hôtel-Dieu (Paris), la première chaire de philosophie au monde créée par l’hôpital. Elle tâchera, comme il est écrit dans un mot d’introduction, de faire du soin « une dimension constitutive du sujet dans la Cité », convaincue qu’en « intégrant l’hôpital, la philosophie rappelle la nécessité de penser le soin de façon holistique, et que le premier dispositif hospitalier – avant toute technicité – est la qualité intersubjective et interrelationnelle qui se tisse entre les différentes personnes qui traversent son espace/temps si particulier. »
Auteur notamment d'une Métaphysique de l’imagination et d’un essai sur Les Pathologies de la démocratie, Cynthia Fleury a récemment fait paraître Les Irremplaçables. Ainsi qu’elle y insistait dans l’entretien qu’elle nous accordait en 2015, elle défend dans ce livre la nécessité pour chacun de prendre « conscience de son caractère irremplaçable, c’est-à-dire devienne capable d’agir en son nom propre, de penser par lui-même, sans se laisser influencer ou dominer par les autres. Il s’agit de devenir majeur, de se servir de son propre entendement sans direction de conscience ». La philosophe est sur tous les fronts. Également psychanalyste depuis 2009, elle est entrée dans la cellule d’urgence médico-psychologique (Cump) du Service d’aide médicale d’urgence (Samu) en 2011 et au Conseil national consultatif d’éthique en 2013. Elle occupe donc aujourd’hui la première chaire de philosophie à l’Hôtel-Dieu. Elle promet d’y délivrer un enseignement ouvert à tous, « patients et passants », remettant au centre de la réflexion non la maladie mais le sujet malade « qui se vit comme sujet et non comme malade. Le soin nécessite de considérer aussi cette singularité. »
À ses côtés, dans le conseil scientifique présidé par le philosophe Frédéric Worms, des médecins, des philosophes et des éthiciens dont Jean-Claude Ameisen, président du Comité consultatif national d'éthique, Marc Crépon, directeur du département de philosophie de l'École normale supérieure mais aussi Claire Marin philosophe auteur d’un roman où elle relate son expérience de la maladie, Corine Pelluchon, qui s'est penchée sur la question de la vulnérabilité, et Jean-Luc Nancy. Tous sont animés par un désir commun : « faire de l’hôpital le lieu de vie et de réflexion, d’entraide et d’itinérance, qu’il est substantiellement. »
Inédite à l’hôpital, cette chaire n’est pas sans précédents. L’Espace éthique de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris et le Centre d’éthique clinique de l’hôpital Cochin ont ouvert la voie de la réflexion éthique. Ce dernier met par exemple à la disposition des patients et de leurs proches, ainsi que des équipes soignantes, « une aide et un accompagnement à la décision médicale éthiquement difficile ». Comme nous le montrions dans une enquête sur l’éthique à l’hôpital, il regroupe des médecins, des juristes, des sociologues et des philosophes pour répondre aux cas de conscience rencontrés par les familles et les équipes de soins. Et s’il ne délivre jamais d’avis tranché, il sert à éclairer la décision finale
Penser le sujet malade, rendre aux individus les plus vulnérables leurs capacités, « refonder l’hospitalité », autant de défis que Cynthia Fleury et la nouvelle équipe philosophique de l’Hôtel Dieu s’engagent à relever. À suivre.
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