Le désir mimétique de Mark Zuckerberg
En créant son propre tribunal virtuel, supposé indépendant de l’entreprise, mais à la liberté très contrôlée, Facebook tend de plus en plus à ressembler à un véritable « État numérique » capable de rivaliser avec les États politiques. Un désir mimétique menaçant, éclairé par René Girard.
Mark Zuckerberg n’en est pas à son coup d’essai. Après avoir lancé sa chaîne de télévision en ligne en 2017, puis annoncé son ambition de créer une cryptomonnaie en 2019, le patron de Facebook constitue désormais son propre « tribunal virtuel ». Or celui-ci a de nombreux points communs avec le plus haut organe du pouvoir américain qu’est la Cour suprême. D’abord, parce que ce conseil de surveillance est l’organe de dernier ressort : si les utilisateurs sont appelés à y soumettre leurs cas litigieux, il faudra toutefois que les plaignants aient auparavant épuisé les recours et mécanismes d’appel auprès de Facebook – sortes de « tribunaux inférieurs ».
Par ailleurs, l’entreprise elle-même peut soumettre des cas au Conseil, parfois selon une procédure d’urgence, pour des affaires particulièrement polémiques ou médiatiques. C’est le cas de cette vidéo diffusée massivement en France, vantant les bienfaits de l’hydroxychloroquine (le fameux « remède Raoult ») dans la lutte contre la pandémie. Alors que Facebook avait supprimé le contenu au motif qu’il propageait de la désinformation, le tribunal 2.0 a tranché que cela n’était pas conforme aux normes internationales en matière de liberté d’expression et a demandé à ce que la publication soit restaurée. Ce Conseil est ainsi, au même titre que la Cour suprême aux États-Unis, un sommet du pouvoir judiciaire cantonné en dernier recours aux affaires importantes. Ses membres (dont l’ancienne Première ministre du Danemark Helle Thorning-Schmidt, et Alan Rusbridger, ex-directeur du quotidien britannique The Guardian) devront ainsi prochainement juger du retour de Donald Trump sur les réseaux sociaux, à la suite de la polémique concernant la suspension de son compte Facebook par la plateforme. Ce qui rapproche un peu plus l’entreprise – bientôt armée d’une télévision, d’une monnaie, et d’un système judiciaire – d’un véritable État. Mark Zuckerberg n’a pas besoin de se présenter aux élections présidentielles, comme le disait la rumeur. Il fait mieux, en parant sa firme des prérogatives d’un État.
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