L’art nous rend-il moralement meilleurs ?
Alors que le perfectionnisme moral, en provenance des États-Unis, soutient que la fréquentation de la littérature, du cinéma ou des séries télévisées permet de mieux se comprendre soi-même, certains dénoncent le retour du moralisme et préfèrent des œuvres cruelles et vraies à des œuvres édifiantes.
Sandra Laugier
« Oui, même si la question paraît naïve ou simpliste. Évidemment, il n’y a pas de raison de penser que l’art ait une quelconque pertinence en ce qui concerne notre conduite morale. Il n’impose aucune norme figée. Si l’art peut nous rendre meilleurs, il ne consiste pas à définir une fois pour toutes ce qu’est le bien ou le mal, qui est une bonne ou une mauvaise personne… En revanche, certains arts, la littérature bien sûr, mais aussi des formes culturelles qui n’ont pas toujours le statut d’art, tels le cinéma ou les séries télévisées, nous présentent des trajectoires qui sont autant de singularités morales prenantes. C’est cette façon d’être, cette expressivité des personnages qui peuvent offrir une dimension morale. Nous sommes très loin du moralisme. Devenir meilleur relève de la formation morale et signifie simplement qu’on apprend ce qui est important pour soi, qu’on donne forme à sa vie par le contact avec des personnages auxquels on s’attache. La question n’est plus alors celle de la bonne action, mais d’une sorte de conversation sensible avec quelque chose qui nous élève.
On peut définir ainsi le perfectionnisme moral, ce mouvement revendiqué par des philosophes étasuniens du XIXe siècle, comme Emerson et Thoreau, et que porte aujourd’hui Stanley Cavell, auteur de Le Cinéma nous rend-il meilleurs ? [Bayard, 2003]. Il a le premier osé parler du cinéma comme d’un lieu fécond pour notre vie morale, en publiant, en 1981, À la recherche du bonheur [Cahiers du cinéma, 1993], un livre sur les comédies hollywoodiennes du remariage. On le lui a beaucoup reproché, dans le milieu de la philosophie et celui du cinéma. En analysant des films comme Indiscrétions de Cukor, New York Miami de Capra ou La Mort aux trousses d’Hitchcock, Cavell proposait une vision des choses qui tranchait avec l’époque, pas si lointaine, où il était considéré comme nunuche de s’intéresser à l’histoire, aux personnages, bref aux aspects psychologiques ou moraux des œuvres d’art, en comparaison avec l’analyse formelle.
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