Johnny Hallyday, Walter Benjamin et l’aura du rocker
Hommage national sur toutes les ondes, cortège funéraire sur les Champs-Élysées samedi, discours présentiel… Emmanuel Macron a même fait de Johnny Hallyday un « héros français ». Comment comprendre le statut particulier que le rocker a acquis en France ? C’est qu’il était plus qu’un artiste, comme l’explique Michel Eltchaninoff dans « Réflexion faite », la rubrique philosophique du Grand Soir 3 sur France 3.
Il possédait ce que Walter Benjamin nomme une « aura ». Dans un essai intitulé L’Œuvre d’art à l’époque de sa reproductibilité technique, il la décrit comme « une singulière trame d’espace et de temps : l’unique apparition d’un lointain, si proche soit-il ».
En latin, aura désigne le souffle. Chez Walter Benjamin un halo, qui n’appartient qu’aux œuvres d’art authentiques, touchant d’une manière singulière, manifestant une présence venue d’ailleurs. Ainsi, Johnny Hallyday demi-dieu païen se met-il en scène en train d’émerger du royaume des morts, chantant « Allumer le feu » au cours de grandes messes populaires, réunissant des dizaines de milliers de fidèles pour communier en son nom. Idole autoproclamée, Il manifestait une force archaïque, à la fois mystérieusement proche de son public et infiniment lointain.
Pour Walter Benjamin, l’aura appartiendrait à l’art ancien, magique et religieux, et elle disparaîtrait à l’ère de la reproduction technique, depuis l’invention de la photo mais aussi des enregistrements, des disques… Selon lui, dès lors que l’œuvre d’art devient toujours disponible, elle perd son unicité, donc son aura.
Mais les rockers Mick Jagger, David Bowie ou Johnny Hallyday, en France, ne recréent-ils pas précisément les conditions du sacré, à travers de grands concerts exceptionnels ?
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