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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Adelina Patti (1843-1919) dans le rôle de Violetta dans l’opéra “La Traviata” de Giuseppe Verdi. Dessin d’Ilya Yefimovich Repin (1844-1930), crayon sur papier. Conservé au Palais Constantin, Saint-Pétersbourg (Russie). © Fine Art Images/Bridgeman Images

“Cancel culture”

Faut-il changer le scénario des opéras ?

Pierre Vesperini publié le 31 octobre 2023 11 min

Faut-il, pour ne pas présenter les femmes comme des victimes consentantes de la domination masculine, changer la fin ou le scénario des opéras du XIXe siècle, comme le proposent (ou le font) certains metteurs en scène ? Ce serait mal comprendre ces extraordinaires personnages féminins et exercer une nouvelle forme de censure, considère le philosophe (et grand amateur d’opéra) Pierre Vesperini.


 

Un récent entretien d’Olivier Py dans Le Monde, dans lequel il disait qu’il y aurait peu d’opéra au Châtelet sous sa direction, m’a remis en mémoire ce qu’il déclarait à France Culture en 2018. On lui demandait son avis sur une production de Carmen où, pour éviter de montrer un féminicide sur la scène, il avait été convenu de changer la fin : au lieu d’être poignardée par son ex-amant, c’était elle qui le tuait d’un coup de revolver. Voici donc ce qu’il répondait :

« Dans la version [de Carmen] que j’ai faite à l’opéra de Lyon, elle ne mourait pas non plus : elle se relevait et elle partait. Comme si le geste de don José n’avait pas été un geste mortel : elle l’abandonnait à son sort. »

Ayons une pensée émue pour le ténor qui devait alors chanter à pleine voix : « Vous pouvez m’arrêter, c’est moi qui l’ai tuée… », alors que sa victime venait de se relever et de partir en coulisse… Mais poursuivons :

« Je pense qu’il y a dans certains opéras du XIXe [siècle] une manière de traiter les personnages féminins qui dans certains cas n’est plus acceptable aujourd’hui. Donc je peux comprendre, oui, qu’on propose une autre fin. On va avoir des difficultés, moi qui ai une Traviata dans les tuyaux, qui ai fait une Manon récemment… On va avoir des difficultés dans la représentation de la femme : dans ces opéras du XIXe siècle, la femme est très souvent une victime – une victime consentante, pire encore. Donc c’est très très difficile à traiter aujourd’hui, en tout cas, ça nous pose une question. Vous savez on peut tout faire : il n’y a absolument aucune règle. Mais après, évidemment, on peut aussi faire quelque chose qui ne plaît pas à certains, ça c’est encore autre chose. Mais la liberté reste totale pour les artistes heureusement. »

Il se trouve – j’héberge aussi ce vice dans mon pandémonium intérieur – que j’adore l’opéra, et en particulier – j’aggrave mon cas – l’opéra du XIXe siècle. En deçà, je ne remonte qu’à Mozart. Au-delà, je me suis aventuré en vain. J’arrive à aimer ici et là, et non sans méfiance, Richard Strauss, tandis que Schönberg et Berg me restent interdits.

 

“Nous ne sommes pas à nous”

Mais c’est trop peu dire : je respire dans l’opéra, j’en ai besoin pour vivre, et parfois pour penser. Depuis l’enfance, don Giovanni, Carmen, Rigoletto, la Tosca, Siegmund (La Walkyrie), Simon Boccanegra, le marquis de Posa (Don Carlo), Falstaff, Tannhäuser, les personnages qui hantent cette espèce de ronde de nuit qu’est La Dame de Pique me transportent l’âme. J’ai du mal à nommer des personnages littéraires qui m’aient autant bouleversé. En cherchant, je trouve le Faust de Marlowe, le Dussardier de Flaubert, l’Idiot de Dostoïevski. Mais l’émotion qu’ils m’ont donnée ne se compare pas avec l’opéra.

Est-ce donc que, par une monstrueuse perversité dont l’âme humaine a le secret, je me délectais, sans le savoir, d’histoires de victimes consentantes ? Il me revenait le mot terrible de Paulin de Nole (cité par Jean-Marie Salamito dans Les Virtuoses et la Multitude. Aspects sociaux de la controverse entre Augustin et les pélagiens, paru chez Jérôme Millon en 2005, p. 86) : « Nous ne sommes pas à nous », non sumus nostri, véritable soufflet jeté à toute la philosophie antique. Et s’il avait raison ?

Lisez la tribune engagée de Pierre Vesperini
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