Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Londres (Angleterre), le 10 septembre 2020. Une statue de Winston Churchill sur Parliament Square taggée par des militants de la mouvance Extinction Rébellion. © Chris J Ratcliffe/Getty/AFP

Entretien

Laure Murat : “La ‘cancel culture’ ne vise pas à effacer des personnes, mais à changer de paradigme”

Laure Murat, propos recueillis par Ariane Nicolas publié le 25 janvier 2022 9 min

Peut-on critiquer les prises de positions de J. K. Rowling sur les femmes trans, s’opposer à ce que les films de Roman Polanski bénéficient de subventions, approuver le déboulonnage des statues de certains hommes politiques… sans pour autant se revendiquer de la « cancel culture », voire en niant que celle-ci existe ? C’est la ligne de crête où se situe Laure Murat, professeure au département d’études françaises de l’université de Californie à Los Angeles (UCLA), qui publie Qui annule quoi ? (Seuil, 2022). Ce court essai, qui s’intéresse principalement à la question du déboulonnage de statues, entend dépasser les antagonismes médiatiques et « ouvrir un débat posé » sur cette question. Nous avons proposé à l’historienne d’éclaircir sa position.

 

La “cancel culture” est une expression qui fait souvent la une de l’actualité. Pourquoi, en tant qu’historienne, avez-vous souhaité vous emparer de la question ?

Laure Murat : J’enseigne aux États-Unis depuis 16 ans et je constate que les problématiques comme la « cancel culture » ou le « wokisme », à l’origine américaines, arrivent en France avec beaucoup de déformations. Les Français, y compris certains universitaires, ne cherchent pas forcément à comprendre ce que les gender studies, les études postcoloniales ou les mouvements comme Black Lives Matter ont à apporter. On les rejette comme si c’était le mal absolu. Je propose donc une halte, une réflexion à travers une étude de cas : le déboulonnage de statues. Ce sujet me concerne plus directement en tant qu’historienne. Que dit-il sur notre rapport à l’histoire, aux hommages, aux « grands hommes » ? Je ne souhaite pas défendre un camp contre un autre. Je pense simplement que ces questions liées à la « cancel culture » sont plus complexes et intéressantes que ce qu’on lit dans la presse. Pardon pour votre profession ! Mais à chaque fois qu’il y a une polémique, des éléments souvent erronés sont jetés dans le débat, puis repris et amplifiés, si bien que, par un effet de concaténation, on finit par raconter n’importe quoi.

“Les problématiques comme la ‘cancel culture’ ou le ‘wokisme’, à l’origine américaines, arrivent en France avec beaucoup de déformations” Laure Murat

 

Comment définiriez-vous la “cancel culture” ?

« Cancel culture » est un mot-écran, fourre-tout, inventé par la droite américaine pour disqualifier certaines revendications en matière de justice sociale. C’est une étiquette derrière laquelle il n’y a pas d’idéologie unifiée, ni de pratiques homogènes : elle rassemble à la fois le boycott, le lancement d’alerte, la dénonciation publique ou encore le déboulonnage de statues. Or le renversement de statues s’apparente à la dégradation de l’espace public ou encore au « vandalisme » (d’après les Vandales, qui avaient participé au sac de Rome), mot inventé par l’abbé Grégoire pour dénoncer le zèle destructeur sous la Révolution française. « Je créai le mot pour tuer la chose », a-t-il d’ailleurs déclaré. La droite américaine fait pareil. Elle baptise « cancel culture » un mouvement général de protestation et un ensemble très hétéroclite de réclamations, issues de la gauche radicale, exigeant un changement concret de pratiques dans la société accusée de perpétuer une culture raciste, sexiste, ignorante des populations opprimées.

 

Pourquoi cette expression n’a-t-elle pas trouvé de traduction en français ?

« Culture de l’annulation » serait la traduction littérale. Mais il ne s’agit pas d’annulation, ni d’effacement – plutôt d’interpellation et de responsabilisation publique, ce qu’en anglais, on désigne parfois par « accountability culture ». De toute façon, dans la mesure où elle désigne des types de discours et d’actes sans rapports entre eux, du boycott au cyber-harcèlement, mieux vaut ne pas la nommer du tout et regarder au cas par cas. On pourrait à la rigueur parler de « culture de la protestation », mais cela existe depuis des millénaires ! Dans tous les cas, le fait de préserver l’expression en anglais dit assez la nécessité de rappeler l’origine américaine, c’est-à-dire supposément puritaine et moraliste, de ce nouvel épouvantail.

À lire aussi : Pierre Vesperini contre le déboulonnage des statues
Expresso : les parcours interactifs
L'étincelle du coup de foudre
Le coup de foudre est à la charnière entre le mythe et la réalité. Au fondement du discours amoureux, il est une expérience inaugurale, que l'on aime raconter et sublimer à l'envi.
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
12 min
Le “wokisme” est-il un humanisme ? Débat entre Norman Ajari et Pierre Valentin
Charles Perragin 23 février 2022

La « déconstruction » est une notion philosophique qui fait l’objet de vifs débats, à la fois dans le monde universitaire et militant,…

Le “wokisme” est-il un humanisme ? Débat entre Norman Ajari et Pierre Valentin

Article
44 min
Essai sur la politique des statues à l’âge de la “cancel culture”, par Pierre Vesperini
Pierre Vesperini 17 novembre 2021

À l’unanimité, la statue de Thomas Jefferson, l’un des Pères fondateurs des États-Unis, a été retirée du conseil municipal de New York. Pierre…

Essai sur la politique des statues à l’âge de la “cancel culture”, par Pierre Vesperini

Article
5 min
Thomas Chatterton Williams : “Je crains qu’une génération d’intellectuels et d’artistes se retrouve paralysée”
Alexandre Lacroix 07 juin 2021

L’écrivain et journaliste américain Thomas Chatterton Williams, auteur d’Autoportrait en noir et blanc. Désapprendre l’idée de race (Grasset,…

Thomas Chatterton Williams : “Je crains qu’une génération d’intellectuels et d’artistes se retrouve paralysée”

Article
5 min
D’où vient le terme “woke” ? 
Antony Chanthanakone 03 septembre 2021

« Woke ». Ce terme fait polémique et divise des camps irréductibles – entre les défenseurs des droits des minorités et ceux qui…

D’où vient le terme “woke” ? 

Article
6 min
Roger Berkowitz. Le moment des foules
Roger Berkowitz 31 août 2020

Le politiste américain s’appuie sur Hannah Arendt pour distinguer mouvements de désobéissance civile qui, à l’instar de Black Lives Matter, réclament davantage de justice sociale, et foules – militants pro-Trump ou pillards –…


Article
2 min
Jean-Louis Murat. Patois matois
Sylvain Fesson 16 février 2015

À la faveur d’une collaboration fructueuse avec le quintet clermontois The Delano Orchestra, Jean-Louis Bergheaud dit Murat goûte à nouveau aux…

Jean-Louis Murat. Patois matois

Article
6 min
Barbara Cassin : “Il ne faudrait pas que parler français devienne l’apanage du Rassemblement national”
Océane Gustave 04 mai 2021

Les mots du débat public et du nouveau militantisme sont des termes anglais… et omniprésents. Woke, empowerment, cancel culture – pourquoi ne…

Barbara Cassin : “Il ne faudrait pas que parler français devienne l’apanage du Rassemblement national”

Article
6 min
Qu’est-ce que la “déconstruction” ?
Octave Larmagnac-Matheron 23 février 2022

Associée à la pensée désormais appelée « woke » et à la cancel culture, la « déconstruction » initiée par Jacques Derrida …

Qu’est-ce que la “déconstruction” ?

À Lire aussi
Denis Podalydès : « “Effacer l’historique” cherche à surmonter la colère pour retrouver une forme de fraternité »
Denis Podalydès : « “Effacer l’historique” cherche à surmonter la colère pour retrouver une forme de fraternité »
Par Martin Legros
août 2020
Laure Murat : “La ‘cancel culture’ ne vise pas à effacer des personnes, mais à changer de paradigme”
Laure Murat : “Je déplore les excès de la ‘cancel culture’ mais je ne peux m’empêcher de les comprendre”
Par La Rédaction
janvier 2022
La société
Par Nicolas Tenaillon
août 2012
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Laure Murat : “La ‘cancel culture’ ne vise pas à effacer des personnes, mais à changer de paradigme”
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse