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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Darrell Nance [CC BY-SA 4.0], via Wikimedia Commons

Cornel West: “En Amérique, le nihilisme est roi”

Cornel West, propos recueillis par Julien Charnay publié le 24 octobre 2012 14 min

Il est la grande voix philosophique de l’Amérique noire. Ce professeur à Princeton associe l’héritage des penseurs pragmatiques et la ferveur du prêcheur. Disciple de Martin Luther King se définissant comme “chrétien révolutionnaire”, il a soutenu Obama il y a quatre ans, avant de déchanter bruyamment. Activiste proche du mouvement Occupy Wall Street, c’est aussi un penseur exigeant dont les arguments frappent comme une mélopée free-jazz.

Un big hug [« accolade »] en forme de salut à peine franchie la porte de son bureau de la prestigieuse université de Princeton : Cornel West a une façon bien à lui de vous accueillir, les bras (grands) ouverts. Philosophe invité régulier de shows radio et télé où il fait entendre sa voix singulière et son rire éclatant, amateur de jazz et de blues… Cornel West n’est pas un universitaire comme les autres. On le retrouve même à l’écran dans Matrix Reloaded et Matrix Revolutions, où il joue son propre personnage, Dr West. Un éclectisme et une exposition médiatique qui lui valent la célébrité aux États-Unis, mais aussi de violentes attaques émanant du milieu universitaire et intellectuel. Héritier des pratiques religieuses de la communauté noire ainsi que de la tradition pragmatique et démocratique de la philosophie américaine, Cornel West se définit comme un chrétien révolutionnaire, grand admirateur de Marx, lecteur de Sartre, mais aussi de Tchekhov, qui l’a amené à entamer une réflexion sur le « tragicomique ». En cette rentrée 2012, le philosophe a fait le choix de revenir enseigner à l’Union Theological Seminary de Harlem où il avait jadis effectué ses débuts de professeur. Engagé très à gauche depuis ses jeunes années, Cornel West a pour habitude de battre le pavé pour défendre les causes qui lui tiennent à cœur, quitte, s’il le faut, à passer une nuit derrière les barreaux. Une figure, plus que tout autre, inspire tous ses combats : Martin Luther King. En 2008, Cornel West apportait son soutien à Obama avant de lui tourner le dos trois ans plus tard, l’accusant de n’être qu’une marionnette au service des oligarques de la finance, qu’il combat aujourd’hui vigoureusement dans la foulée du mouvement Occupy Wall Street. Rencontre avec une figure atypique du paysage philosophique américain.

 

Cornel West en six dates

  • 1953 Naissance à Tulsa (Oklahoma).
  • 1961 Baptême reçu à l’Église baptiste de Shiloh à Sacramento (Californie).
  • 1968 Assassinat de Martin Luther King. Cornel West apprend la nouvelle à Sacramento.
  • 1974 Études auprès de Richard Rorty à Princeton, de Hans-Georg Gadamer au Boston College, de Hilary Putnam et de Stanley Cavell à Harvard.
  • 1994 Publication et énorme succès de son livre Race Matters.
  • 2009 Prête sa voix à l’album Voices du jazzman Terence Blanchard (Grand Prix du Disque 2009, catégorie jazz, de l’Académie Charles-Cros).

Dans son chef-d’œuvre Les Âmes du peuple noir, l’intellectuel afro-américain W. E. B. Du Bois évoque le sentiment qui a pu être le sien d’« être un problème », victime du racisme de la société américaine. Avez-vous connu ce sentiment ?

Cornel West : J’ai grandi dans un environnement où tout le monde était noir – mon expérience fut loin d’être la même que celle de Du Bois, qui était l’un des rares Noirs de la ville de son enfance. Du Bois ne se voit qu’à travers le regard dominant et normatif des Blancs, qui consiste à dire : « Vous, les Noirs, vous êtes un problème. » Ma sensibilité est très différente. Je suis un bluesman, un jazzman, et je ne me perçois pas à travers l’œil normatif de la population blanche. Je me considère comme issu d’une grande tradition noire américaine qui me permet de répondre face aux Blancs. Le blues et le jazz ne sont pas seulement des styles musicaux, ce sont des voies ontologiques d’expression de la liberté. Maltraité, terrorisé, traumatisé, le bluesman, le jazzman dira : quelqu’un me tombe dessus comme une catastrophe. Car la suprématie des Blancs n’est pas seulement individuelle, mais institutionnelle ; ce n’est pas un « problème », mais une vraie catastrophe infligée aux Noirs.

 

Vous expliquez que le fait d’avoir grandi dans un contexte noir, sans presque aucun contact avec les Blancs, vous a permis d’éviter un double écueil : les placer sur un piédestal ou les diaboliser…

Je ne regardais les Blancs ni comme des dieux ni comme des démons mais comme une partie du genre humain. Ayant grandi dans un environnement noir, j’avais déjà croisé des gangsters noirs ; je savais déjà comment les Noirs américains pouvaient se dénigrer les uns les autres. Mais ces gangsters n’en restaient pas moins des êtres humains. Lorsque j’ai rencontré les frères et sœurs blancs, je savais que la suprématie des Blancs avait influencé la manière dont nous nous regardons les uns les autres, je savais qu’ils me cracheraient dessus sans raison valable. La suprématie des Blancs est une catastrophe, mais les tenants de cette suprématie demeurent des êtres humains : je hais l’injustice mais eux, je ne les hais point. De même pour les gangsters : je haïssais leurs pratiques, mais je ne les haïssais pas en tant que personnes – ils étaient mes amis, nous avions grandi ensemble. C’est cette sensibilité, disons humaniste, qui m’a façonné.

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Article issu du magazine n°64 octobre 2012 Lire en ligne
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