Scandales et démocratie. Que faire de notre indignation ?
Une recension de Frédéric Manzini, publié leIndignez-vous ! le pamphlet de Stéphane Hessel avait rencontré un grand écho lors de sa parution en 2010. Il visait à bousculer les immobilismes politiques et à interpeller les bonnes (?) consciences guettées par l’indifférence, le repli et l’apathie. Voici deux essais qui partagent le constat inverse : aujourd’hui, l’indignation et les scandales se portent bien, merci pour eux. Nous passons de la colère liée aux révélations #metoo à la révolte contre le sort réservé aux migrants, puis à l’affaire Benalla, aux injustices sociales (Los Indignados) ou à l’horreur devant le sort de la planète. Notre époque serait-elle celle de l’indignation permanente, compulsive, voire addictive ? Et de quoi cette prolifération est-elle le symptôme ? D’une société où plus rien de ce qui ne va pas ne peut être étouffé ? D’une conscience morale élargie aux dimensions du monde ? Du simple effet démultiplicateur des réseaux sociaux ? On pourrait en venir à se demander si nous n’y prenons pas secrètement goût et si nous n’en tirons pas une étrange satisfaction… C’est la thèse stimulante de Laurent De Sutter qui brocarde l’indignation comme un travers commode de l’esprit critique : il y voit la conséquence logique du développement de la raison kantienne parvenue à son point d’aboutissement. Le penchant pour le scandale relèverait de la morale : dénoncer des coupables permet de se construire à bon compte une identité entre « gens biens », au point qu’il faut se scandaliser pour ne pas passer soi-même pour un complice, donc un salaud. L’indignation serait un nouvel impératif catégorique, en quelque sorte.
Moins polémique, Jérôme Lèbre prend l’indignation au sérieux sous l’emballement du scandale qu’il analyse jusque dans la provocation (notamment dans le domaine artistique). À ses yeux, l’indignation marque le désir de justice légitime dans une démocratie qu’il voit non comme la recherche d’un vaste consensus mais comme « un espace public […] où nous ne cessons de nous provoquer, de nous appeler ». Ainsi les scandales fourniraient-ils autant d’occasions de prendre position et de participer à la vie politique. C’est pourquoi il est nécessaire d’y répondre.
Faudrait-il donc se réjouir de les voir éclater l’un après l’autre ? Rappelons qu’en grec, le terme skandalon désigne un obstacle qui, placé sur le chemin de quelqu’un, le fera tomber : prenons garde, dans les temps qui sont les nôtres, de pouvoir encore mettre un pied devant l’autre.
Analysant le confinement comme une expérience d’immobilisation contrainte et autoritaire, le philosophe Jérôme Lèbre, auteur d’un essai intitulé …
Pour la navigatrice Isabelle Autissier, première femme à avoir accompli un tour du monde à la voile en compétition, la vitesse n’est pas un but,…
À quoi sert la police ? D’où vient-elle ? Quels sont ses rapports avec le politique et avec la justice ? Autant de questions…
Mesure particulièrement polémique de la loi « sécurité globale », l’utilisation de drones pour filmer les manifestants a été suspendue par le Conseil…
Le drame de ceux qui traversent la Méditerranée au péril de leur vie nous met face à l’inacceptable. Abdennour Bidar veut rendre cette indignation féconde et défend l’idée d’une compassion active.
Le dessinateur humoristique de presse Xavier Gorce a indiqué sur son compte Twitter qu’il décidait séance tenante de quitter Le Monde, journal pour lequel il…
Alors que les identités de classe perdent de leur centralité pour expliquer les mouvements sociaux, le sociologue Pierre Rosanvallon propose d…
Magnat de la Silicon Valley, Peter Thiel est également passionné de philosophie. Aussi n’a-t-il pas hésité à prendre son jet privé pour Paris afin de rencontrer l’un des principaux disciples de son maître Leo Strauss, Pierre Manent. Le…