Mémo sur la nouvelle classe écologique 

Une recension de Philippe Garnier, publié le

Pourquoi restons-nous sourds aux menaces qui pèsent sur la planète ? Comment expliquer que le sauvetage du vivant mobilise moins que, jadis, les enjeux de la production et de la lutte des classes ? Bref et concis, ce « mémo » tente d’établir les conditions d’une nouvelle mobilisation écologique. 

Au centre de la réflexion de Bruno Latour et de Nikolaj Schultz, son coauteur danois, se trouve la notion de classe, héritée du marxisme. Ce livre apparaît comme une réponse à ceux qui, parmi les penseurs contemporains de gauche, accusent Latour d’ignorer la domination et l’exploitation inhérentes au capitalisme. Le philosophe ne nie pas cette part dévastatrice, pas plus qu’il n’oublie le sens que la lutte des classes a pu apporter à l’histoire et l’énergie transformatrice qu’elle a suscitée. La lutte actuelle pour le climat et la sauvegarde du vivant lui paraît cependant d’une tout autre nature. Contrairement à la cause marxiste, la cause écologiste ne voit pas dans la production l’horizon du combat social. « Produire, écrit Latour, c’est assembler et combiner, ce n’est pas engendrer, c’est-à-dire faire naître par des soins la continuité des êtres dont dépend l’habitabilité du monde. » Dès lors que le sens de l’histoire ne réside plus dans une modernité productrice mais dans une nouvelle façon de prendre soin de ce qui est engendré, une « classe-pivot » doit, selon Latour, se former, une classe transversale associant les scientifiques, les militants et les « gens de bonne volonté ». Elle seule peut devenir le moteur du renversement nécessaire et en forger les outils intellectuels. Cet audacieux Mémo laisse cependant en suspens une question cruciale : dans la grande conversion qui s’annonce, le partage des coûts et des sacrifices sera-t-il équitable ?

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