Liberté, Égalité, Incertitude 

Une recension de Frédéric Manzini, publié le

Mais de quels maux nos démocraties libérales souffrent-elles ? Ouvrage après ouvrage, Jan-Werner Müller, professeur de théorie politique à Princeton, continue de les ausculter et d’affiner son diagnostic. Après Difficile Démocratie (Alma Éd. 2013) et Qu’est-ce que le populisme ? (Premier Parallèle, 2016), il met l’accent sur le caractère foncièrement imprévisible du résultat des votes dans son nouvel ouvrage, Liberté, Égalité, Incertitude. Or c’est précisément ce que refusent les populistes, à l’instar de Donald Trump qui, au lendemain de la victoire de Joe Biden, parlera d’élections truquées et de « vol »… En effet, analyse Müller, les populistes prétendent incarner à eux seuls la voix du peuple – du « vrai » peuple – et donc s’opposent à ce principe essentiel de la démocratie qu’est le pluralisme. Les véritables démocrates, au contraire, se reconnaissent à ce qu’ils acceptent de jouer le jeu des élections et d’en respecter l’issue. Aussi le politologue allemand érige-t-il le principe d’indétermination ou plus exactement d’« incertitude » en valeur démocratique fondamentale, au même titre que la liberté et l’égalité. Une incertitude institutionnalisée, précise-t-il, avec « des règles qui doivent permettre et contenir le conflit », quitte pour cela à réserver une certaine place aux perdants au lieu de les exclure de la vie politique, parce qu’ils contribuent pleinement à la vie démocratique. Et Werner de saluer la justesse de vue du juriste Hans Kelsen qui a bien remarqué l’existence d’une certaine affinité philosophique qui liait la démocratie et le relativisme : « La démocratie, écrit Werner, ne peut donc pas être un projet visant à imposer une vérité politique exclusive. Comme le rappelait aussi souvent Arendt, en politique, la vérité est forcément despotique. 

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