Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Portait peint de Ben Ali © Thierry Ehrmann / Flickr

Politique

Tunisie, la révolution spontanée

Hamadi Redissi, Yadh Ben Achour, Abdelwahab Meddeb, propos recueillis par Martin Legros publié le 22 août 2012 12 min

Personne n’avait prédit la chute de Ben Ali. La détermination du peuple a eu raison d’une tyrannie bien établie. Professeur de sciences politiques, Hamadi Redissi raconte à chaud le grand jour de la « révolution de jasmin », tandis que le juriste Yadh Ben Achour, chargé de réécrire la Constitution, et le philosophe Abdelwahab Meddeb reviennent sur cette onde de choc qui ébranle le monde arabe.

Hamadi Redissi :

“Un signe moral au sens où Kant en parle : il faut que justice soit faite, quitte à ce que toute la canaille du monde en périsse !”

« Le 14 janvier, le jour le plus court au monde. En quelques heures, une tyrannie qu’on croyait perpétuelle s’est effondrée. La longue histoire s’est subitement écourtée. Elle en avait marre de s’étaler paresseusement dans le temps : enfin, elle se rattrape elle-même. Comme ce peuple dont on avait tout dit : docile, servile, infantile, une masse atomisée dans une galaxie cadenassée par les polices de Ben Ali, un petit peuple piégé par deux grandes surfaces commerciales (Carrefour et Géant), les crédits bancaires et les vacances par facilité en bord de mer. On en a même fait la théorie : la “force de l’obéissance” (Béatrice Hibou), le “syndrome autoritaire” (Michel Camau et Vincent Geisser), l’État néocorporatiste (moi-même)… Toutes ces constructions ont été balayées le jour où un peuple aux mains nues, certes, mais encadré par la soif de liberté, la plus grande des organisations, s’implique en politique, occupe la rue, se met debout et crie d’une seule voix : “Ben Ali, dégage !” Comme cet anonyme qui surfe sur la Toile. Et cet autre que Nesma TV [une chaîne tunisienne] passe en boucle : il est seul dans le noir en centre-ville sous couvre-feu haranguant les dieux et les hommes, le Ciel et la Terre : “Le peuple, répéte-t-il, s’est libéré, vive la liberté, gloire à la Tunisie !” Ou encore ces jeunes que j’ai vus, ce vendredi 14 janvier. Vers deux heures de l’après-midi, la police disperse violemment près de 100 000 personnes. En vingt minutes, la ville est déserte. Sur près de deux heures, les jeunes se sont retranchés dans les rues latérales de l’avenue Habib-Bourguiba. Ils battent en retraite. Et puis, ils se dévouent un par un, avancent les bras au ciel, se mettent à genoux et défient des forces de l’ordre paniquées, ne sachant s’il faut charger ou garder le calme. 

Pour que l’histoire s’accélère, il faut une dynamo et une chance. La jeunesse tunisienne a été le deus ex machina de la révolution tunisienne. Le chômage endémique a fait sortir diplômés et désespérés dans la rue. Et les enfants des classes moyennes ont pris Facebook, la place forte de ce soulèvement. Mohamed Bouazizi en a été le démarreur. Mais Bouazizi est plus que cela. Le jour où un jeune diplômé s’immole par le feu au lieu de se faire exploser en kamikaze, ce jour est un signe moral au sens où Kant en parle : il faut que justice soit faite, quitte à ce que toute la canaille du monde en périsse ! Bouazizi a dit non à l’humiliation. Il a dit non à l’arrogance. Silencieusement, il a brisé le silence.

Cette révolution est plus qu’une chance. À ce jour, elle est libérale, démocratique et laïque, menée par des gens qui tiennent en horreur la dictature et haïssent l’islamisme. Elle a été plus ou moins canalisée par les unions régionales de l’UGTT [Union générale tunisienne du travail], cette force civile qui inspire respect et confiance. Elle fausse compagnie à l’État néocorporatiste : un régime dictatorial qui confie le monopole de la représentation à des corporations en contrepartie d’une docilité négociée. Les partis d’opposition démocratiques ont accompagné le mouvement. On comprend que cette révolution fasse peur aux immobilistes et aux putschistes. Et qu’elle suscite les appétits des islamistes. Dans la région, les dictatures arabes prennent peur. La révolution tunisienne a un contenu universel : elle nous dit qu’une démocratie libérale est possible dans un pays arabe, et pas seulement souhaitable. Citez-moi un seul pays qui chasse un tyran sanguinaire en une vingtaine de jours, lâche de surcroît. J’en discutais la veille de son départ avec Béji Caïd Essebsi, plusieurs fois ministre de Bourguiba, autour d’un café chez un ami commun. Surexcité, je me répandais en explications sociologiques et en mesures politiques d’urgence. Il m’a dit avec humour : “Hamadi, n’éprouve pas ton intelligence théorique… Il va fuir (bich ‘yhlis) !” »

Expresso : les parcours interactifs
Kant et le devoir
Au quotidien, qu’est-ce que ça veut dire d’agir moralement ? Et est-ce que c’est difficile de faire son devoir ? Ces questions ne sont pas anecdotiques pour quelqu’un qui souhaite s’orienter dans l’existence. Et, coup de chance : Emmanuel Kant y a répondu. 
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
14 min
Hamadi Redissi, un laïc en Tunisie
Pierre Péju 29 novembre 2012

La Tunisie a initié les printemps arabes… et elle est la première à avoir porté à sa tête un parti islamique après des élections libres. Entre…

Hamadi Redissi, un laïc en Tunisie

Article
3 min
Mohamed Sahbi Khalfaoui : “La Constitution est un gain sans précédent dans le monde arabe”
Cédric Enjalbert 20 février 2014

Militant impliqué dans la «révolution de jasmin», Mohamed Sahbi Khalfaoui analyse la transition démocratique en cours en Tunisie, après l’adoption…

Mohamed Sahbi Khalfaoui : “La Constitution est un gain sans précédent dans le monde arabe”

Article
8 min
Pauline Koetschet : “La traduction des textes grecs en arabe est un événement fondamental, comparable à la renaissance italienne”
Octave Larmagnac-Matheron 07 avril 2022

L’Institut du monde arabe, à Paris, lance un nouveau rendez-vous dont Philosophie magazine est partenaire : les « Jeudis de la…

Pauline Koetschet : “La traduction des textes grecs en arabe est un événement fondamental, comparable à la renaissance italienne”

Article
10 min
Jean-Baptiste Brenet : “La philosophie arabe ne s’est pas faite malgré elle, par hasard et passivement”
Arthur Hannoun 14 octobre 2021

Tous les premiers jeudis du mois, l’Institut du monde arabe à Paris organise des rencontres autour de la philosophie arabe. Pour sa première…

Jean-Baptiste Brenet : “La philosophie arabe ne s’est pas faite malgré elle, par hasard et passivement”

Entretien
11 min
Yadh ben Achour. Tunisie, l’âge de raison de la révolution ?
Adam Galou 30 novembre 2016

Il y a six ans, la révolution tunisienne faisait souffler l’air de la liberté sur le monde arabe, avant que le despotisme et le fanatisme ne…

Yadh ben Achour. Tunisie, l’âge de raison de la révolution ?

Article
6 min
Cristina Cerami : “Pour les penseurs de l’Islam classique, l’homme doit toujours se considérer comme une partie de la nature”
Clara Degiovanni 01 juin 2022

« Penser la nature et le monde en Islam ». C’est le sujet de la dernière conférence des « Jeudis de la philosophie »,…

Cristina Cerami : “Pour les penseurs de l’Islam classique, l’homme doit toujours se considérer comme une partie de la nature”

Article
7 min
Marwan Rashed : “La philosophie arabe n’est pas une citadelle coupée du reste du monde”
Ariane Nicolas 06 janvier 2022

L’Institut du monde arabe, à Paris, lance un nouveau rendez-vous dont Philosophie magazine est partenaire : les « Jeudis de la…

Marwan Rashed : “La philosophie arabe n’est pas une citadelle coupée du reste du monde”

Article
4 min
Marcel Gauchet : “Culturellement, le monde arabe s’occidentalise, lui aussi”
Charles Perragin 23 décembre 2020

Alors que le discours médiatique alimente une conception d’un monde arabe très conservateur, le sondage d’opinion Arab Barometer 2019 montre que…

Marcel Gauchet : “Culturellement, le monde arabe s’occidentalise, lui aussi”

Article issu du magazine n°47 février 2011 Lire en ligne
À Lire aussi
Franck Frégosi : “Plus qu’un islam de France, il y a des islams de France”
Franck Frégosi : “Plus qu’un islam de France, il y a des islams de France”
Par Octave Larmagnac-Matheron
avril 2021
Kai Strittmatter : « La Chine réinvente la dictature »
Kai Strittmatter : « La Chine réinvente la dictature »
Par Nils Markwardt
septembre 2020
Alaya Allani: “Séparer le religieux du politique sans exclure l’identité arabo-musulmane”
Par Charles Perragin
novembre 2014
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Tunisie, la révolution spontanée
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse