Trois visions du déclin

Alexandre Lacroix publié le 4 min

XIVe-XVe siècles. Les humanistes nostalgiques de l’Antiquité

Dante contemple d’un œil noir l’Italie de son temps ravagée par des rivalités médiocres entre principautés. À ses yeux, la Rome antique reste un modèle indépassable. Né à Florence en 1265, appartenant par éducation au camp des Guelfes, Dante rallie la cause de Rome et des Gibelins. Il s’en explique dans De la monarchie : « J’affirme que le peuple romain en droit, et non par usurpation, a acquis la monarchie, c’est-à-dire l’empire sur tous les mortels. » Rome ayant été l’exemple de la grandeur, c’est son étendard qu’il faut brandir, qu’importe s’il a pris la poussière !

Mais c’est Machiavel qui, dans son Discours sur la première décade de Tite-Live (1512-1517), forge le mythe de la décadence de l’Empire romain, lequel sert par la suite de matrice pour penser le déclin. Dans la perspective de Machiavel le républicain, l’effondrement de Rome est dû à César, qui a brisé l’équilibre subtil des pouvoirs entre le Sénat et le peuple, et jeté les bases d’un empire autoritaire et brutal. César a ouvert la voie à une série d’empereurs, dont les règnes sont « ensanglantés par les guerres, déchirés par les divisions, et tout aussi cruels en temps de paix ». Autre gangrène de l’empire : la propagation du christianisme, qui aboutit à la création de l’Église pontificale de Rome. Or « c’est elle, l’Église romaine, qui nous a maintenus et nous maintient divisés ». L’auteur du Prince a, par ailleurs, une vision originale de l’histoire. Les civilisations connaissent, selon lui, des cycles quasi naturels, où essor et décadence se succèdent : « La virtù donne la tranquillité aux États ; la tranquillité enfante ensuite la mollesse, et la mollesse consume les pays et les maisons. Enfin, après avoir traversé une période de désordre, les cités voient la virtù renaître dans leurs murs. » (L’Âne d’or).

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