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Alec Baldwin au SVA Theatre de New York, le 22 juin 2021, à la première de “Baby Boss 2” (DreamWorks Animation). © Angela Weiss/AFP

Drame à Hollywood

Tir mortel d’Alec Baldwin : quand jouer devient fatal

Florianne Gani publié le 27 octobre 2021 4 min

« Tout, chez tout le monde, n’est que divertissement, dérivatif à la mort », écrivait Thomas Bernhard. Mais quand le divertissement lui-même apporte la mort, alors il n’a plus rien d’un jeu. C’est ce que met en lumière le récent fait divers dont l’acteur américain Alec Baldwin est le tragique protagoniste. En plein tournage d’un western intitulé Rust, alors qu’il s’entraînait à dégainer avec une arme fournie par les accessoiristes, l’acteur américain a tué, de toute évidence accidentellement, Halyna Hutchins, la chef-opératrice du film. Cet événement dramatique (mais pas isolé dans le monde du cinéma) nous rappelle que le jeu n’est pas un loisir anodin sans conséquences. Il peut aussi nous engager plus profondément dans un rapport à l’existence et à la mort. Analyse du jeu, éclairé par le psychanalyste britannique Donald Winnicott (1896-1971).

 

  • Jeu, réalité et frustration. Pourquoi joue-t-on ? Pour nous détendre, pour passer le temps d’une manière agréable seul ou en société, sans aucun doute. Mais ce n’est pas tout : le jeu offre plus profondément une échappatoire à nos angoisses existentielles. Il permet à chacun de ne pas se confronter à la « vraie » vie en lui offrant un espace intermédiaire doté de ses propres règles – règles qui peuvent elles-mêmes être inventées et réinventées à loisir. Le psychanalyste anglais Donald Winnicott fait à cet égard une distinction éclairante entre deux types de jeu : le jeu comme game, qui apprend l’obéissance aux règles préétablies ; et le jeu comme play, qui renvoie à sa puissance créative. Dans son ouvrage Jeu et réalité (Gallimard, 1975 pour la trad. fr.), Winnicott explique que pour les enfants, le jeu n’est pas seulement une activité de loisir mais une expérience vitale structurante qui fait éprouver le sentiment que « la vie vaut la peine d’être vécue ». Il permet à l’enfant d’intégrer la réalité en proposant un espace où il peut expérimenter son omnipotence : ses pulsions peuvent s’exprimer et il peut assujettir la réalité à ses désirs, voire contrôler le réel. Ainsi, la capacité à jouer favorise le développement de l’individu en lui apprenant à composer avec la frustration au moment où le jeu s’arrête.
  • Une expérience de la mort sur le plan symbolique. Dans le cas du tir mortel de l’acteur qui a coûté la vie à une membre de l’équipe de tournage, on ne joue plus du tout. Mais s’agit-il d’un accident parfaitement imprévisible, ou d’une dérive fatale qui serait inscrite dans la nature même du jeu ? Comme le dit encore Winnicott : « Il faut admettre que le jeu est toujours à même de se muer en quelque chose d’effrayant. Et l’on peut tenir les jeux (games) avec ce qu’ils comportent d’organisé, comme une manière de tenir à distance l’aspect effrayant du jeu (playing) ». Ce que le jeu peut avoir d’effrayant, c’est ce qu’il appelle « l’informe » et qui correspond à l’abandon de soi du joueur qui doit renoncer à son illusion de toute-puissance pour se donner une chance de laisser se déployer une autre part de son être. Dans un jeu de rôle par exemple, chacun accepte d’abandonner provisoirement son identité réelle pour endosser un autre personnage et explorer en lui cette transformation offerte par le dispositif. C’est ce qu’il nomme « la créativité », qui ne peut surgir que si l’on accepte de supporter un moment ce fonctionnement informe et décousu. Le jeu n’est-il pas alors effrayant quand il nous fait justement rencontrer, ou du moins entrevoir, ce que serait cette mort symbolique de nous-même ?
  • On peut jouer avec la mort mais la mort, elle, ne joue pas. D’une manière plus générale, c’est tout le jeu qui est un jeu avec la mort, comme pour en détourner l’angoisse. Non seulement la mort de celui qui joue un autre personnage que lui-même, mais aussi la mort des autres personnages, qui peuvent mourir et ressusciter à l’infini. Pan ! tu es mort. On rejoue ? Vouloir jouer avec la mort pour l’apprivoiser, c’est la manifestation d’une volonté, voire d’un fantasme de toute-puissance. Mais comme tout fantasme, il lui arrive d’être rattrapé par le principe de réalité. Alec Baldwin, qui croyait « jouer » avec un revolver à blanc, a tué la chef-opératrice (et blessé le réalisateur) d’un film dont il était à la fois l’un des acteurs et le producteur exécutif. Quand le jeu rencontre la mort concrète et que la fiction s’abolit, c’est tout le cadre rassurant du ludique qui s’effondre. L’effroi nous saisit. Nous sommes alors loin des images esthétisantes du film Le Septième Sceau (1957) du cinéaste suédois Ingmar Bergman, où le personnage principal joue une partie d’échecs, très symbolique, avec la mort elle-même. La mort n’est pas un jeu, ou du moins on ne peut pas jouer avec elle. Game over. 
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