Lecture accompagnée

Fragment sur le “divertissement”, de Blaise Pascal commenté par André Comte-Sponville

Victorine de Oliveira publié le 6 min

André Comte-Sponville donne un éclairage sur le fameux fragment des “Pensées” de Pascal sur le “divertissement”.

Quand je me suis mis quelquefois à considérer les diverses agitations des hommes, et les périls et les peines où ils s’exposent dans la Cour, dans la guerre, d’où naissent tant de querelles, de passions, d’entreprises hardies et souvent mauvaises, etc., j’ai dit souvent que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre.[1] Un homme qui a assez de bien pour vivre, s’il savait demeurer chez soi avec plaisir n’en sortirait pas pour aller sur la mer ou au siège d’une place. On n’achète une charge à l’armée si cher que parce qu’on trouverait insupportable de ne bouger de la ville, et on ne recherche les conversations et les divertissements des jeux que parce qu’on ne demeure chez soi avec plaisir. Etc.

Mais quand j’ai pensé de plus près et qu’après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs j’ai voulu en découvrir les raisons, j’ai trouvé qu’il y en a une bien effective qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable que rien ne peut nous consoler si nous y pensons de près. […]

Ainsi s’écoule toute la vie. On cherche le repos en combattant quelques obstacles, et si on les a surmontés le repos devient insupportable par l’ennui qu’il engendre. Il en faut sortir et mendier le tumulte.[2]

Pensées (136, 139)

 

Qu’est-ce que le moi[3] ?

Un homme qui se met à la fenêtre pour voir les passants ; si je passe par là, puis-je dire qu’il s’est mis là pour me voir ? Non ; car il ne pense pas à moi en particulier. Mais celui qui aime quelqu’un à cause de sa beauté, l’aime-t-il ? Non : car la petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu’il ne l’aimera plus.

Expresso : les parcours interactifs
Pourquoi lui, pourquoi elle ?
Comment expliquer nos choix amoureux ? Faut-il se fier au proverbe « qui se ressemble, s'assemble », ou doit-on estimer à l'inverse que « les opposés s'attirent » ? La sociologie de Bourdieu et la philosophie de Jankélévitch nous éclairent.
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