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Salle d’audience du grand procès du 13 Novembre, nouvellement construite. Fait inédit : la salle étant équipée de caméras et d’une régie, ce procès, ainsi que ceux destinés à s’y tenir par la suite, pourront être filmés. © Olivier Corsan/Le Parisien/Maxppp

13-Novembre / Justice

Témoins pour l’histoire

Nicolas Gastineau publié le 23 septembre 2021 3 min

Des parties civiles en grand nombre sont amenées à témoigner au procès des attaques terroristes du 13-Novembre, prévu pour durer neuf mois. Mais quelle est donc la vertu du témoignage ? Moins de réparer ou de guérir que de faire advenir le droit objectif, selon Hegel.

 

Mercredi 8 septembre s’est ouvert à Paris le procès des attentats du 13 novembre 2015. Jusqu’en avril 2022, une tâche immense attend les cinq juges, les 330 avocats et les quelque 1 800 parties civiles : établir les faits au nom du droit et rendre justice de cette nuit d’horreur. Inévitablement, il va être demandé à chacun de se remémorer la funeste chronologie : la double explosion au Stade de France, la fusillade au bar Le Carillon, celle des restaurants Le Petit Cambodge et du Casa Nostra, puis le massacre à la terrasse de La Belle Équipe. Un chemin de sang qui conduit, peu après 21h30, au Bataclan, puis au sinistre décompte : 130 morts, 413 blessés. Au cœur du dispositif de cette cour d’assises spéciale, dans une salle d’audience construite spécifiquement pour ce procès d’une ampleur inédite, les très nombreuses parties civiles – survivants, proches des victimes et familles endeuillées – témoigneront durant les 140 jours d’audience prévus, filmés pour les archives de la justice et pour l’histoire. Mais qu’est-ce qui se joue dans cet acte essentiel au procès ?

La réponse évidente, c’est de participer à la manifestation de la vérité. Mais, pour Antoine Garapon, magistrat et auteur du Gardien des promesses. Justice et démocratie (Odile Jacob, 1996), « ce qui compte ici, ce n’est pas tant la vérité du témoignage que l’acte de témoigner ». Dans ce type de procès, la partie civile se lance, sans note, devant une audience impressionnante – difficile dans ce contexte de viser l’exactitude. Surtout, il s’agit pour certains de raconter un moment d’extrême tension, une confusion d’odeurs, de corps et de bruits, déclenchée en une fraction de seconde. Pour cette raison, « il faut ici distinguer l’acte d’énonciation et l’énoncé : l’énoncé est discutable, par définition, mais c’est l’acte d’énonciation qui tient en lui la vertu du témoignage ».

Pour Garapon, le témoignage repose sur « un pacte d’audition » conclu entre le témoin et l’audience. C’est la publicité de la parole qui compte, le récit donné en partage aux juges, aux avocats, aux journalistes et même aux accusés. « Le sens du témoignage est donc au-devant de celui qui témoigne, il se co-construit avec le public. » Se met en place un va-et-vient entre les souvenirs du témoin et la publicité du témoignage ; les premiers se nourrissent de cette excursion au dehors jusqu’à s’enrichir de paroles qui n’avaient, parfois, jamais été dites. Le magistrat se souvient avoir travaillé avec des victimes de violences « qui disent avoir passé leur vie sans pouvoir dire l’essentiel. Le témoignage en justice permet de crever cette bulle du silence ». Il libère une parole enfouie, « des mots et des pensées que le témoin ne s’avouait pas sortent tout à coup ». C’est ce que peuvent avoir de vertigineux de tels témoignages : ils surprennent les témoins eux-mêmes, les dépassant pour devenir un geste collectif, « un pacte qui fait communauté humaine autour de la parole du témoin ».

Dans Principes de la philosophie du droit (1820), Hegel oppose « moralité subjective » et « objective ». La première constitue la morale au sens convenu, la capacité d’un sujet à se donner des règles pour décider comment agir. La seconde rassemble les institutions (famille, société civile, droit, État…) par lesquelles une communauté assure à chacun la possibilité de faire réellement exister sa liberté, de donner effectivité commune à son expérience subjective du droit et de la loi morale. L’existence d’une justice et d’un tribunal indépendants y contribue à plus d’un titre. « Cet acte qui reconnaît et qui réalise le droit dans le cas particulier, en dehors de l’impression subjective des intérêts particuliers appartient à une puissance publique, au tribunal », écrit Hegel. Objectiver la parole du témoin pour la transformer en réalité effective du droit, voilà l’une des fonctions du procès pénal. Et le philosophe ajoute que cette métamorphose « spirituelle » opère aussi à l’échelle de la société : « Le déroulement des actions juridiques extérieures concerne, dans son contenu universel, le droit de tous et la décision intéresse tout le monde. C’est le principe de la publicité de la justice. » Gageons que le procès des attentats du 13-Novembre n’aura pas seulement pour effet de faire revivre un traumatisme collectif mais de lui donner un « contenu universel ».

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Article issu du magazine n°153 septembre 2021 Lire en ligne
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