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Promenade des Anglais, Nice (06), le 15 juillet 2016. La police scientifique fouille le camion du forcené qui a foncé sur la foule la veille. © Anne-Christine Poujoulat/AFP

Attentats

À Nice, le stade “UberPop” du terrorisme

Alexandre Lacroix publié le 17 août 2016 3 min

L’attentat de Nice le 14 juillet dernier, sommet d’horreur qui a suivi la tuerie du Pulse à Orlando (États-Unis) et précédé de trois jours une attaque à la hache dans un train en Allemagne, nous place face à un phénomène inédit : l’ubérisation du terrorisme.

 

Il existe une analogie profonde, à chaque moment de l’histoire, entre les formes qu’emprunte la production des richesses et celles de la production de violence et de morts. Ainsi, les camps d’extermination nazis furent conçus et bâtis selon les plans de l’usine industrielle : un rail achemine la « matière première », qui subit un traitement mécanique ; l’implantation géométrique est dominée par les cheminées qui s’élèvent au-dessus des fourneaux. Ce dispositif a été détourné afin de rationaliser et d’intensifier la production de cadavres, et par là les camps d’extermination touchent à une horreur absolue : jamais l’esprit humain ne s’était ingénié à tuer si mécaniquement, dans une telle quête de productivité négative, jamais les victimes n’avaient été si niées dans leur humanité, si réifiées.

Mais nous ne vivons plus une époque industrielle, du moins en Occident, et l’analogie s’est déplacée : comment ne pas voir les similitudes entre la cellule terroriste, développée par des groupes islamistes tel Al-Qaïda à la fin des années 1990, et la start-up ? Une start-up compte peu de personnel ; l’investissement de départ est faible ; elle sait être mobile, franchir les frontières, s’adapter aux imprévus ; son enjeu majeur est la communication. Une start-up vise à changer les comportements à l’échelle mondiale, avec le moins de moyens possible. C’est ainsi que fonctionne la cellule terroriste « classique », celle par exemple coordonnée par Mohammed Atta qui a accompli les attentats du 11 Septembre. Une start-up naît dans un garage, avec quelques personnes travaillant en secret durant un ou deux ans, et recherche un impact planétaire.

“Le terrorisme n’est plus composé de cellules clandestines spécialisées. Il ressemble davantage à une plateforme, sur laquelle n’importe qui peut se connecter à tout instant”

Mais ce modèle est en train de muer, sous l’effet de la stratégie et de la force d’appel des discours de l’État islamique (EI). Dans les jours qui ont suivi la tragédie du 14 juillet dernier à Nice, où Mohamed Lahouaiej-Bouhlel a foncé sur la foule rassemblée sur la promenade des Anglais à bord d’un camion, les médias ont largement repris cette citation du porte-parole de l’EI, Abou Mohamed al-Adnani : « Si vous ne pouvez pas faire sauter une bombe ou tirer une balle, débrouillez-vous pour vous retrouver seul avec un infidèle français ou américain, et fracassez-lui le crâne avec une pierre, tuez-le à coups de couteau, renversez-le avec votre voiture. » On a aussi souligné que ce dernier mode opératoire, la « voiture bélier », est devenu d’un usage fréquent en Israël, surtout depuis 2015. Cela dessine une configuration nouvelle : nous sommes entrés dans le stade « UberPop » du terrorisme. UberPop est cette fonctionnalité, inaccessible en France, qui efface la frontière entre professionnel et particulier : grâce à cette application, n’importe quel conducteur peut « charger » quelqu’un dans sa voiture et se faire payer la course. Il n’y a plus ni « chauffeur VTC » ni véhicule habilité. Chacun est invité à se brancher sur le réseau et à offrir ses services. C’est, hélas ! ce modèle qui commence à se dupliquer dans la sphère terroriste : d’après ce que nous savons à l’heure où nous écrivons, le forcené ne respectait ni le ramadan ni l’interdiction de manger du porc, il s’est radicalisé en quinze jours, a loué son camion le 4 juillet, mené ses repérages les 12 et 13 juillet, cherchait encore à acheter « plus d’armes » le 14 juillet même. Trente-six heures après le massacre, l’EI revendiquait l’attentat et le reconnaissait comme l’un de ses « soldats ». Le même scénario semble prévaloir dans l’attaque à la hache perpétrée trois jours plus tard par un Afghan de 17 ans dans un train en Allemagne, blessant quatre personnes, aussitôt revendiquée par l’EI. Désormais, le terrorisme n’est plus composé de cellules clandestines spécialisées. Il ressemble davantage à une plateforme, sur laquelle n’importe qui peut se connecter à tout instant. À la limite, quelqu’un peut avoir un coup de sang à 15 heures et, s’il possède une voiture ou une hache, faire la une des journaux télévisés à 20 heures, puis être reconnu comme un djihadiste participant d’un grand projet de reconquête. C’est pourquoi l’analogie entre production de la violence et de la mort et modèles hégémoniques de production de richesses doit nous alerter : s’il y a bien quelque chose qui qualifie un modèle économique dominant à une époque donnée, c’est sa dynamique de croissance. 

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Article issu du magazine n°102 août 2016 Lire en ligne
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