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Le monde d'après

Stocker de l’information dans l’ADN ? 

Octave Larmagnac-Matheron publié le 06 décembre 2021 4 min

Le numérique a permis une démultiplication de nos capacités de stockage et de transmission de l’information. Nous serions bien incapables d’imprimer, de transférer sur un support matériel, les 45 zettaoctets que nous générons chaque année. Ces quantités astronomiques posent de plus en plus problème : car la dématérialisation de l’information est en réalité sous-tendue par une infrastructure technique bien réelle de data centers, disques durs et bandes magnétiques extrêmement énergivore (2% de la consommation mondiale d’électricité), envahissante (167 km2 à l’échelle mondiale) et obsolescente (les disques durs doivent être changés tous les sept ans).

« En matière de stockage de données générées, nous vivons à crédit depuis quelques années. Si nous sommes aujourd’hui capables d’en stocker 30%, sans rupture technologique, ce chiffre pourrait tomber à 3% dans les prochaines décennies », note le chercheur Stéphane Lemaire qui, avec son collègue Pierre Crozet, développe un nouveau mode de stockage beaucoup plus économe… sur ADN. Le code n’est pas binaire, mais s’effectue par alternance des quatre bases moléculaires qui composent l’ADN. Et les capsules d’ADN obtenues se conservent pendant des centaines d’années sans consommer d’énergie. Elles pourraient permettre de sauvegarder, dans l’espace d’une boîte à chaussures, l’ensemble des données de l’humanité. Une petite révolution sous l’oeil d’Aristote.

 

  • Toute information, pour être stockée, doit être encodée dans de la matière. Ce qui impressionne d’abord, dans le stockage d’information sur ADN, c’est justement l’économie de place et de matière qu’elle rend possible. Une petite capsule de la taille d’une phalange peut contenir l’équivalent de 5 000 téraoctets de données – soit, en l’occurrence, cent milliards de copies de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de la Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne d’Olympe de Gouges ! Imaginez le nombre de pages qui seraient nécessaires pour stocker l’équivalent sur papier… Le stockage ADN réalise une considérable économie de matière, qui pourrait jouer un rôle décisif alors que l’humanité pourrait produire, d’ici 2025, 175 zettaoctets de données annuelles.
  • Cette information, cependant, n’est pas immédiatement accessible. Son encodage prend plusieurs jours, son décodage plusieurs heures. Comme si, par rapport à l’inscription sur papier qui rend presque immédiatement disponible le contenu, la réduction de la quantité de matière nécessaire impliquait, en contrepartie, un surcroît d’énergie pour décrypter le message stocké. Plus l’information est prisonnière de la matière, moins elle prend de place, mais plus il faut d’énergie pour la libérer.
  • Que dire, alors, du numérique – qui est plus économe en matière que le papier, mais beaucoup plus gourmand en énergie que l’ADN ? Pour le comprendre, on peut mobiliser la Métaphysique d’Aristote. ADN comme document papier sont de l’information « en puissance », inscrite à différents degrés dans la matière comme une potentialité (dynamis, δύναμις) qui attend de devenir une information « en acte » qui réalise cette potentialité par l’introduction d’une énergie (energeia, ἐνέργεια). Ces in-form-ations sont comme l’idée de la statue contenue dans le bloc de marbre en attente du geste qui la sculptera, qui l’extraira. À l’opposé, l’information numérique est une pure donnée en acte, qui « existe en réalité » : elle est toujours déjà libérée de la matière – en atteste précisément le fait qu’elle est complètement disséminée, et non localisée. Information directement actuelle, effective.
  • C’est précisément la raison pour laquelle l’information numérique en acte a besoin de tant d’énergie : elle a besoin, pour rester immédiatement accessible, pour être maintenue du côté de l’existence effective, d’un flux constant d’énergie. Cette information, au fond, n’est qu’énergie – courant électrique, ondes électromagnétiques, etc. Tout le paradoxe étant, bien entendu, que cette énergie implique in fine une grande quantité de matière (serveurs, câbles, centrales, etc.) pour sa production comme pour sa diffusion. Le numérique est travaillé par une double logique : un codage de l’information qui permet une économie de matière par rapport au papier, et une volonté de rendre disponible sur le champ cette information cryptée, ce qui suppose beaucoup d’énergie et donc de matière.
  • De ce point de vue, le numérique n’est pas à proprement parler un stockage : ce qui est stocké n’est pas sédimenté, ni cristallisé dans la matière, puisqu’il reste mobilisable à tout instant ; au contraire, dans le stockage ADN, il faut faire un effort et attendre un laps de temps non négligeable pour « activer » l’information en la « traduisant » (en l’occurrence, à l’aide d’un séquenceur de la taille d’une clef USB). C’est pourquoi cette nouvelle forme de stockage est d’abord destinée à des portions d’information rarement mobilisées (les archives et autres données froides, qui représentent 70% de nos échanges). Une piste salvatrice dans un monde où l’information numérisée requiert, pour fonctionner correctement, une quantité croissante de matière et d’énergie qui risque de devenir insoutenable si rien n’est fait.
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