Laurence Devillers : “Reconnaître une personnalité juridique aux robots serait dangereux et inacceptable”
En Afrique du Sud, une intelligence artificielle vient d’être reconnue comme inventrice d’un récipient alimentaire capable de conserver plus efficacement la chaleur. Un premier pas vers la reconnaissance d’une personnalité juridique pour les robots ? Une pente dangereuse plutôt, analyse Laurence Devillers, auteur des Robots émotionnels (L’Observatoire, 2020).
Dabus, une intelligence artificielle, vient d’être reconnue comme propriétaire d’un brevet. C’est inédit ? Pensez-vous que ce genre d’innovations juridiques soit amené à se multiplier ?
Laurence Devillers : Oui, c’est une première. Deux pays seulement ont reconnu à l’intelligence artificielle Dabus la propriété du brevet : l’Australie et l’Afrique du Sud. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la décision ne fait pas l’unanimité. Encore récemment, aux États-Unis, la juge fédérale Leonie Brinkema concluait que les intelligences artificielles ne pouvaient pas obtenir le statut d’inventeur. Bref, je ne suis pas sûre que ce genre d’innovations juridiques soit amené à se multiplier dans un futur proche, non.
“Le grand public a une image très exagérée de ce dont sont actuellement capables les robots”
La décision australienne et sud-africaine revient-elle à reconnaître à la machine une personnalité juridique ?
On peut considérer que la décision va dans le sens d’une reconnaissance d’une personnalité juridique pour les IA. Dans une lettre ouverte de 2018 que j’ai signée, 220 spécialistes de la question alertaient sur cette tentation. Je suis toujours sur la même position. De mon point de vue, cette idée est dangereuse, mais aussi, dans une certaine mesure, impossible à mettre en place. Le grand public a une image très exagérée de ce dont sont actuellement capables les robots. Ils peuvent sans doute prendre un certain nombre de « décisions ». Mais encore faut-il qu’ils aient été entraînés et programmés pour. Le degré d’autonomie d’une machine capable de se recharger toute seule n’a pas grand-chose à voir avec l’autonomie d’une personne, d’une conscience. Nous sommes très loin de créer des consciences artificielles !
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