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Le tour de la question

Qu’est-ce qu’être méchant ?

Frédéric Manzini publié le 20 novembre 2021 4 min

C’est bien connu : dans le monde, il y a les gentils d’un côté, et les méchants de l’autre… Encore n’est-il pas toujours aisé de les identifier avec certitude : untel qui paraissait gentil ne l’est peut-être pas autant qu’on l’avait cru, tandis qu’inversement, tel autre n’est peut-être pas si méchant qu’on le craignait. La méchanceté est-elle un trait de caractère profondément ancré chez certains individus ou n’est-elle qu’une affaire de point de vue – voire de circonstances ? Autrement dit : peut-on réellement vouloir le mal pour le mal ? Eléments de clarification à l’aide de quatre philosophes : Socrate, Augustin, Hobbes et Kant.

 

Socrate : “Nul n’est méchant volontairement”

Si la méchanceté peut être définie comme le fait de causer du tort à quelqu’un délibérément, alors pour Socrate, elle ne peut constituer un trait de caractère humain. Selon lui, en effet, les personnes méchantes agissent par aveuglement, sans savoir qu’elles font le mal : « Nul n’est méchant volontairement », assure le philosophe dans le Protagoras de Platon. Comment comprendre cette formule étonnante ? Le philosophe précise dans le Ménon que tout le monde désire le bien et que personne ne peut vouloir le mal pour le mal. Le bien est la source de toutes nos actions. Il arrive ainsi que certains commettent le mal malgré eux par ignorance, parce qu’ils ont pris le mal pour le bien ou parce que leur point de vue était mal renseigné : ils ne comprennent pas, par exemple, qu’en se comportant de manière injuste, ils baissent dans leur propre estime, se rendent malheureux et se font du mal à eux-mêmes. Dans ces conditions, ce qu’on prend pour de la méchanceté ne repose finalement que sur un malentendu ou un défaut de connaissance. Être méchant, c’est tout au plus commettre une erreur d’appréciation sur la véritable nature du bien.

 

Augustin et “le simple plaisir de faire ce qui était défendu”

Augustin prend cependant l’exact contre-pied de la formule socratique quand il se demande dans La Cité de Dieu : « Nul n’est méchant que par le fait de sa volonté propre. Qui le nie ? » Pour celui qui est considéré comme un saint par les chrétiens, le mal est toujours accompli par un coupable pécheur. Et il sait de quoi il parle, puisqu’il raconte dans les Confessions comment il a volé des poires dans un verger alors qu’il était adolescent, non par gourmandise puisqu’elles n’étaient ni belles ni bonnes et qu’il ne les a pas mangées, mais par volonté de transgression, c’est-à-dire par pure malice : « Ce n’est pas de l’objet convoité par mon larcin, mais du larcin même et du péché que je voulais jouir », écrit-il. Comme il se le reproche des années plus tard, une fois converti au catholicisme, Augustin dit alors avoir éprouvé une étrange volupté à accomplir ce qui était interdit et s’étonne d’avoir aimé sa propre « difformité ». Cette expérience lui a donc permis de découvrir sa propre méchanceté et de s’interroger sur l’origine de ce plaisir pris à commettre le mal.

 

Hobbes : l’homme est un (grand méchant) loup pour l’homme

Faire de la méchanceté un problème seulement moral, qui impliquerait un relation entre un individu isolé et des valeurs, ne permet peut-être pas d’en éclairer tous les ressorts. Pour Thomas Hobbes, il faut l’envisager dans sa dimension sociale : la méchanceté est une réaction de défense contre la méchanceté des autres. Peu après avoir repris à son compte l’adage selon lequel « l’homme est un loup pour l’homme », il écrit dans la dédicace de son ouvrage Du citoyen (1642) : « Même les hommes de bien doivent, à cause de la dépravation des méchants et s’ils veulent se protéger, recourir aux vertus guerrières – la force et la ruse – c’est-à-dire à la rapacité des bêtes ». Pour Hobbes, on n’est donc méchant que parce que les autres l’étaient déjà, parce qu’ils ont commencé à l’être avant nous. Mieux : nous nous devons d’être méchants parce que c’est notre seule manière de nous protéger d’une hostilité ambiante qui constitue pour nous une menace permanente – du moins aussi longtemps qu’il n’y a pas un cadre politique qui permette de contenir cette agressivité dans de strictes limites. La méchanceté, en ce sens, est contagieuse, mais être méchant n’est pas naturel ni instinctif : ce n’est qu’une affaire de réponse à une situation donnée.

 

Kant : l’être humain a un penchant pour le mal

Pour autant, les humains sont-ils condamnés à faire le mal lorsque la situation semble l’imposer ? Pas nécessairement. Kant a beau écrire, dans La Religion dans les limites de la seule raison (1793), que « l’être humain est méchant par nature », cette nature n’est pas une fatalité pour autant. Chacun dispose en lui d’un certain penchant au mal, c’est-à-dire d’une certaine propension au mal, mais qui coexiste avec une disposition originelle au bien. Cette tension interne peut nous pousser à préférer nos inclinations sensibles, c’est-à-dire la recherche de notre plaisir, à l’obéissance à la loi morale. Mais aussi radical que soit ce penchant pour le mal, il n’est pas l’expression d’une quelconque perversité diabolique qui ferait de nous des êtres foncièrement vicieux ou sadiques, puisqu’il n’est que la conséquence logique de notre faculté à être libres. Même si vous « voulons » le bien, nous restons toujours et irréductiblement libres d’agir autrement, de nous soustraire aux injonctions de la morale et donc de faire le mal. Être méchant, c’est donc plutôt être faible et faillible, conformément à ce que Kant appelle « une fragilité de la nature humaine ».

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