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Crise sanitaire du Covid-19 : distribution d’aide alimentaire à Saint-Denis pendant le confinement. © Simon Lamberyt/Haytam/REA

Santé

Quand le Covid-19 aboutit à un “meurtre social”

Jean-Marie Pottier publié le 10 février 2021 4 min

« Comment le terme de “meurtre” peut-il s’appliquer aux échecs de la réponse à une pandémie ? Peut-être qu’il ne le peut pas, et ne le pourra jamais, mais cela vaut le coup de l’examiner. » Telle est la question qu’examinait récemment dans un éditorial Kamran Abbasi, le rédacteur en chef du vénérable British Medical Journal, en estimant que les erreurs de gestion de la pandémie de Covid-19, qui a fait plus de 2 millions de morts dans le monde depuis fin 2019, pourraient être constitutives d’un « meurtre social ». Une notion empruntée au philosophe allemand Friedrich Engels, le co-auteur de Karl Marx, qui l’utilisait dans La Situation de la classe ouvrière en Angleterre (1845). Abbasi cite en exemple les confinements décidés trop tard ou pour une durée insuffisante et l’ignorance de l’expertise scientifique par des dirigeants comme Donald Trump, Jair Bolsonaro ou Boris Johnson. Et estime que l’inaction face à la pandémie peut impliquer une triple responsabilité des gouvernants : dans l’espace médiatique, face à leurs électeurs et face à la communauté internationale. Avec, qui sait, suppose-t-il, l’entrée un jour du sabotage de la santé publique dans la catégorie des crimes contre l’humanité.

  • Engels, dont on commémorait fin 2020 le bicentenaire de la naissance, a écrit La Situation de la classe ouvrière en Angleterre peu après sa rencontre avec Karl Marx, et après deux années passées à Manchester, où son père possédait des filatures. Il y estime que « la société en Angleterre commet chaque jour et à chaque heure ce meurtre social que les journaux ouvriers anglais ont raison d’appeler meurtre. » Un meurtre « tout pareil à celui commis par un individu, si ce n’est qu’il est ici plus dissimulé, plus perfide », perpétré par la société quand elle « met des centaines de prolétaires dans une situation telle qu’ils sont nécessairement exposés à une mort prématurée et anormale, à une mort aussi violente que la mort par l’épée ou par balle ; lorsqu’elle ôte à des milliers d’êtres les moyens d’existence indispensables, leur imposant d’autres conditions de vie, telles qu’il leur est impossible de subsister ; [...] lorsqu’elle sait, lorsqu’elle ne sait que trop, que ces milliers d’êtres seront victimes de ces conditions d’existence, et que cependant elle les laisse subsister. »
  • Ce n’est pas la première fois que la notion de meurtre social est soulevée dans le contexte de la pandémie. Notamment, mais pas seulement, en Angleterre, peut-être parce que c’est là qu’elle est née – elle y avait d’ailleurs été employée en 2017 à propos de l’incendie de la tour Grenfell de Londres, qui avait fait 79 morts. Kamran Abbasi l’a récemment repérée dans le Guardian sous la plume de deux criminologues, Joe Sims et Steve Tombs : citant « le lamentable système de test et traçage, un soutien financier aux personnes en isolement désastreusement inadéquat et un mensonger “confinement” sous lequel des millions de personnes sont encore forcées de se déplacer pour travailler et enseigner », ils estimaient fin janvier que le gouvernement Johnson était « coupable d’un meurtre social en forçant des portions de la population à vivre dans des conditions qui ont mené à des morts évitables et prématurées, et continueront de le faire. »
  • Ce qui est intéressant dans l’utilisation de cette notion par le British Medical Journal, c’est qu’elle va loin, mais finalement moins loin qu’Engels dans son texte. L’éditorial de Kamran Abbas vise en effet essentiellement les décisions des gouvernements en contexte de pandémie là où la rhétorique du philosophe est plus englobante, vise l’organisation sociale dans son ensemble, et notamment, évidemment, l’organisation capitaliste : pour lui, le meurtre social est « un meurtre contre lequel personne ne peut se défendre, qui ne ressemble pas à un meurtre, parce qu’on ne voit pas le meurtrier, parce que le meurtrier, c’est tout le monde et personne, parce que la mort de la victime semble naturelle, et que c’est pécher moins par action que par omission. Mais ce n’en est pas moins un meurtre. » 
  • Une analyse qu’on peut aussi appliquer aux ravages du Covid-19. Au-delà des décisions, bonnes ou mauvaises, prises à court terme par les gouvernements, le virus appuie aussi là où nos sociétés ont déjà mal, dans des faillites sociales qui lui préexistaient. Dans son récent portrait social de l’année 2020, l’Insee rappelle ainsi à quel point la pandémie touche davantage les personnes les plus modestes, qui vivent plus fréquemment dans des communes denses et des logements surpeuplés, ont un accès moins facile aux soins et manifestent davantage de préconditions médicales qui peuvent aggraver leur situation. Département le plus pauvre de métropole, la Seine-Saint-Denis souffre ainsi d’une surmortalité due à la pandémie bien plus forte que les autres départements de la région francilienne. C’est l’autre définition de la pandémie comme « meurtre social » : pas seulement une urgence sanitaire mal gérée, mais une urgence sanitaire qui accentue les fractures du quotidien. La parole, là encore, à l’Angleterre : dans un article publié l’été dernier par le British Journal of Medical Practice, le médecin Mark Riley estimait que les inégalités sanitaires face au Covid-19 constituaient « la culmination de deux siècles de meurtre social. »
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