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 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
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Personnel médical du centre gospitalier Émile-Muller de Mulhouse transportant un patient en attente d’être évacué vers un autre hôpital, le 17 mars 2020. © Sébastien Bozon/AFP

Enquête

L’immunité collective peut-elle avoir raison de l’épidémie ?

Martin Legros publié le 30 mars 2020 16 min

Depuis que le Premier Ministre britannique Boris Johnson en a parlé pour justifier la politique initiale de laisser-faire de son pays face au Covid-19, la notion d’“immunité collective” est au cœur du débat. S’agit-il de sacrifier les plus faibles pour préserver le plus grand nombre dans une optique néodarwinienne ? Nous avons interrogé épidémiologistes et philosophes qui y voient plutôt un outil pour protéger l’ensemble de la société.

« Je dois être honnête avec vous, avait lancé Boris Johnson le 12 mars lors d’une conférence de presse aux accents churchilliens, beaucoup d’autres familles vont perdre des êtres chers prématurément. » La semaine dernière, le lieutenant-gouverneur du Texas Dan Patrick estimait sur Fox News que le plus grand risque que fait courir le Covid-19 est de ruiner l’économie des États-Unis, tout en considérant qu’il ne fallait pas prendre de mesures restrictives et que les personnes d’un certain âge, dont il fait partie, devaient assumer pour le bien de tous le risque de tomber malade et de mourir. 

Ce sont là des formules choquantes, même si elles ont le mérite de la franchise. Pour leurs auteurs, elles seraient justifiées par la stratégie de “l’immunité collective” (herd immunity en anglais, herd signifiant « troupeau »), bien connue des épidémiologistes mais pas de l’opinion publique européenne jusqu’ici. Paradoxe de la situation : c’est à l’occasion du scandale déclenché par la position « attentiste » des Anglo-Saxons – suivie par les Pays-Bas et par la Suède – que le grand public a découvert qu’il existait des stratégies sanitaires très différentes pour faire face à l’épidémie et que les gouvernements avaient à choisir laquelle adopter. En France, par exemple, si le président Emmanuel Macron n’a cessé de placer ses décisions sous l’autorité de la science et des experts, jamais il n’a évoqué l’enjeu de l’immunité collective – pourtant au cœur du problème –, pas plus qu’il n’a exposé les différents scénarios pour l’atteindre, estimant sans doute que l’opinion, confrontée à une pluralité d’options, remettrait en question celle qui avait été choisie… 

Pour l’épidémiologiste Mircea Sofonea, maître de conférences à l’université de Montpellier, spécialiste de l’épidémiologie et de l’évolution des maladies infectieuses et membre d’un laboratoire mixte CNRS-IRD-université de Montpellier dédié à ces questions, un peu de pédagogie n’aurait pas été superflue : « D’autant plus que la stratégie adoptée par la France est justifiée compte tenu du stade épidémique dans laquelle elle se trouvait au moment où la décision a été prise. Cependant, elle ne met pas le pays à l’abri d’une seconde vague, et la question de l’immunité collective devra alors se poser tôt ou tard. »

Nous sommes partagés entre le devoir de prendre soin de chacun “un à un” et le souci de protéger le plus grand nombre

 

Qu’est-ce donc que l’immunité collective ? En quoi fonde-t-elle des stratégies distinctes ? Et comment affronter le dilemme éthique qui oppose le devoir de prendre soin de chacun « un à un » – selon le principe de la morale déontologique – et le souci de protéger le plus grand nombre et de calculer les conséquences à l’échelle collective – selon le principe de la morale conséquentialiste ? 

 

Une notion aussi ancienne que le vaccin

Si le terme d’ « immunité collective » remonte à 1923, il faut attendre la deuxième moitié du XXe siècle et l’ambition d’éradiquer les maladies infectieuses à l’échelle mondiale au moyen de vastes programmes de vaccination pour voir fleurir cette notion dans l’épidémiologie mathématique, discipline qui modélise la propagation des pathogènes au sein des populations. Mais, en réalité, le principe lui-même remonte au XVIIIe siècle, au moment où la variole était la première cause de mortalité sur le continent européen. Avant qu’un vaccin ne soit trouvé, un premier procédé dit d’« inoculation » s’était révélé efficace… sauf qu’il comportait un risque de mortalité élevé – un décès pour 200 à 300. Le mathématicien suisse Daniel Bernoulli (1700-1782) estimait que, dans sa ville de Bâle, une inoculation systématique de la population réduirait drastiquement la contagion – avec un gain total de trois ans d’espérance de vie –, mais au prix d’un petit nombre de victimes. Avec la découverte du vaccin, ce risque chuta ; la technique du vaccin fut adoptée et la variole éradiquée. 

Les personnes immunisées jouent un rôle comparable à celui d’un isolant pour le courant électrique et empêchent que de nouveaux foyers puissent relancer l’épidémie

 

Pourtant, la question – morale, politique autant que statistique – persista : vaut-il mieux réduire la mortalité d’une population en tablant sur l’immunité collective assurée sinon par un vaccin, du moins par une contamination à grande échelle, ou faut-il refuser d’exposer un nombre limité d’individus – ceux qui ne supportent pas le vaccin ou la contamination – à un risque marginal ? Le principe de l’immunité collective, explique Mircea Sofonea, est celui d’une protection indirecte : « Les personnes qui n’ont jamais rencontré l’agent pathogène sont protégées par celles qui sont immunisées, soit parce qu’elles l’ont déjà rencontré et en ont guéri, soit parce qu’elles ont été vaccinées. La proportion de personnes qui ne contribuent plus à la reproduction du virus et à sa transmission abaisse la probabilité d’être contaminé. » Les personnes immunisées jouent un rôle comparable à celui d’un isolant pour le courant électrique et empêchent que des foyers rémanents puissent relancer une épidémie. Sauf que, pour que cette barrière indirecte puisse se mettre en place, il faut attendre qu’une grande partie de la population soit immunisée… et qu’un petit nombre succombe. 

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