Pourquoi il est si difficile de se mettre d’accord sur la justice climatique

La COP 27 vient de s’ouvrir et une question s’impose : qui doit supporter en priorité le poids de la lutte contre le dérèglement climatique ? Or il est très difficile de se mettre d’accord sur les principes de la « justice climatique ». État des lieux.

La notion de « justice climatique », qui occupe une place croissante dans les discours médiatiques et politiques, est aujourd’hui au cœur de la COP 27 organisée en Égypte. Mais elle est aussi ambigüe que la notion de justice. Elle possède un pôle légal : depuis quelques années se multiplient les actions en justice, devant les tribunaux nationaux ou internationaux, contre des entreprises et même des États qui ne respectent pas leurs engagements en matière de lutte contre le dérèglement environnemental. En octobre 2021, l’État français était ainsi condamné par le tribunal administratif de Paris en raison de son inaction en matière de climat.

La justice comprend cependant un autre pôle, celui de la légitimité ou des principes, sur lequel reposent les normes qui organisent les possibilités d’action devant les tribunaux. Qu’est-ce qu’une injustice ? Comment doit-elle être compensée ? Par qui ? Sous quelle forme ? Cet ensemble de questions d’équité, au cœur de la discussion politique, sous-tend l’organisation concrète de la justice légale. Il exige un espace de discussion. Cet espace, en ce qui concerne le droit civil et pénal, est celui des chambres législatives dans les États de droit. Bien entendu, tout le problème pour la justice climatique, c’est qu’elle a trait à une crise planétaire, dont la résolution ne peut s’effectuer seulement à une échelle nationale.

Justice climatique : une question d’équité

La justice climatique possède des espaces de discussion de plus en plus nombreux – les COP en sont un exemple –, mais ces instances ne possèdent aucun pouvoir réel, coercitif, pour instaurer des normes qui détermineraient les conditions d’une action judiciaire devant des tribunaux. La ratification des accords de principe est laissée à l’appréciation des États signataires. On peut y voir une limitation considérable de la portée de tels accords.

Mais comprendre l’enjeu de la justice climatique suppose surtout d’entrer dans les débats concrets qui structurent la délibération sur les principes. Pourquoi au juste la question environnementale est-elle une question de justice ? Elle l’est dans la mesure même où la justice est toujours une question de juste répartition des coûts et des bénéfices : il faut attribuer ces coûts et ces bénéfices comme il devraient l’être, non comme ils le sont dans les faits. Or, c’est aussi cette question de distribution que porte le dérèglement climatique. La crise environnementale est une menace existentielle commune, qui concerne l’humanité entière, dont l’endiguement aura un coût considérable — à la fois négativement, par l’arrêt de certaines activités, et positivement, par le développement de nouvelles pratiques, de nouvelles sources d’énergie, ou d’infrastructures d’urgence pour protéger les populations des catastrophes. La menace, certes commune, ne concerne pas tous les humains, tous les pays de la même manière. Certains sont davantage responsables de la situation critique que d’autre. Mais ce ne sont pas nécessairement ces États qui sont les plus exposés aux conséquences du dérèglement – donc pas nécessairement eux qui vont agir de la manière la plus décisive, la plus active. Comment doit être répartie, à l’échelle mondiale, la charge que représente la lutte, l’endiguement, ou du moins l’atténuation de la crise du climat ? Tel est l’enjeu de la justice climatique.