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Nicolas Mathieu, en 2015. © Ulf Andersen / Aurimages via AFP

Hommage

Nicolas Mathieu : “Les personnages de Tavernier sont à table à côté de nous !”

Nicolas Mathieu, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 26 mars 2021 5 min

Au lendemain de la mort de Bertrand Tavernier, l’écrivain Nicolas Mathieu, prix Goncourt 2018 pour Leurs enfants après eux et grand connaisseur du cinéma français des années 1970 et 1980, rend un hommage personnel à un cinéaste qui n’a cessé « de faire passer des messages sur le monde social et les rapports de domination dans des histoires entraînantes ». Il nous conseille quelques films à revoir ou à découvrir. 

 

« Comme toujours, lorsqu’on parle des gens qu’on admire, on parle un peu de soi et de ses partis pris. Ce que j’aime beaucoup chez Bertrand Tavernier, c’est qu’il parvient à réconcilier des ambitions souvent présentées comme contradictoires : il fait un cinéma populaire, accessible, et néanmoins politique. Même dans des films comme La Princesse de Montpensier ou La Fille de d’Artagnan, en apparence plus éloignés des préoccupations politiques, un regard aigu est porté sur les rapports sociaux. En cela, il est vraiment l’héritier du cinéma de l’âge d’or hollywoodien, qui ne renonce ni au divertissement, ni à la leçon de vie, ni à ce que Martin Scorsese appelle l’art de la contrebande – il s’agit de faire passer, en douce, des messages sur le monde social et les rapports de domination à l’intérieur d’un récit qui malgré tout nous entraîne. C’est un cocktail qui me séduit beaucoup et que j’essaie de concocter à ma modeste mesure dans mes romans. Ne pas renoncer à la jouissance de la narration, rester fidèle à l’héritage d’un Alexandre Dumas en s’offrant un détour du côté des westerns de John Sturges, c’est le tour de force de ce grand réalisateur.

“Entre cinéma populaire et Nouvelle Vague, Tavernier n’a pas choisi de camp – en fait, il aime tout, il veut tout !’”
Nicolas Mathieu

 

Je suis assez critique vis-à-vis de la politique des auteurs, telle qu’elle a été promue par les réalisateurs de la Nouvelle Vague. Ces jeunes cinéphiles et cinéastes ont posé, avec profit, une nouvelle esthétique, mus par l’ambition d’en découdre avec leurs aînés. Mais ils ont parfois jeté le bébé avec l’eau du bain. Ils ont tourné le dos à certains films qui étaient très bons, ils ont aussi beaucoup nui à l’écriture. Avant, l’écriture scénaristique était davantage considérée. Tavernier était conscient de ce problème et d’ailleurs il a travaillé avec des scénaristes de l’entre-deux-guerres, comme Jean Aurenche ou Pierre Bost. Il a même fait un film sur l’un d’entre eux, Laissez-passer, dont le protagoniste principal est Jean Aurenche, qui avait été tant démoli par les articles des Cahiers du cinéma. Tavernier, lui, n’a pas choisi de camp – en fait, il aime tout, il veut tout ! Il n’est pas un expérimentateur comme Jean-Luc Godard ou Michelangelo Antonioni, ce n’est pas à proprement parler un moderne, mais il fait quelque chose de très actuel, infusé politiquement, tout en étant relié au cinéma d’avant. Lui n’aurait pas forcément craché sur Christian-Jaque ou de Fanfan la tulipe. 

Ses personnages, ce sont des gens qu’on pourrait côtoyer. La froideur en moins, cela ressemble un peu à la littérature de Gustave Flaubert, qui peint le monde social et précise ici et là un portrait. C’est au fond une grande question de cinéma : quel point de vue adopte-t-on sur ses personnages ? Tavernier, là où je le préfère, c’est quand il se tient à table, tout près d’eux.

Pour ce qui est de sa filmographie, je détacherais trois ensembles :

Le feu d’artifice initial

L’Horloger de Saint-Paul (1974)

Que la fête commence… (1975)

Le Juge et l’Assassin (1976)

Cette trilogie, réalisée sur un rythme si rapide, est sidérante de maîtrise. Voilà le cinéma mitonné des années 1970 dont je raffole, avec Jean-Pierre Marielle, Jean Rochefort, Philippe Noiret… L’Horloger de Saint-Paul traite des rapports père-fils, un sujet qui m’occupe beaucoup. Ça nous rappelle le film du dimanche soir, sur TF1, avec le générique de la Gaumont, il y a cela aussi dans ce cinéma-là : un côté madeleine de Proust.

La veine âpre

L.627 (1992)

L’Appât (1995)

Ça commence aujourd’hui (1999)

Dans les années 1990, le cinéma de Tavernier a une dimension plus réaliste et porte un regard assez acerbe sur une société en train de se casser la gueule, au niveau des valeurs comme des moyens. Vingt ans de crise sont passés par là. Les grèves de 1995 seront la dernière tentative de mobilisation contre l’idéologie néolibérale. Dans L.627, Tavernier montre des policiers sans aucun moyen, dont les machines à écrire ne fonctionnent pas, qui travaillent dans des Algeco. L’institution apparaît comme impuissante face au réel. Ce sont des choses dont on parle sans cesse aujourd’hui, à propos de l’école ou de l’hôpital, et Tavernier a été précurseur. Lui qui était plutôt du côté des individus jusque-là se met à dépeindre l’institution comme le dernier rempart face à la barbarie des chiffres. Dans L’Appât, il y a une forme réinventée de bovarysme : mais là, les gamins qui vont commettre un meurtre inqualifiable ne se sont pas enivrés de romans d’amour, mais de l’imagerie que propagent des émissions comme Capital sur M6. Ils veulent faire du business, ils rêvent de l’Amérique. Tavernier met en scène une nouvelle forme de bêtise qui est à l’œuvre à ce moment-là. 

La veine noire

Coup de torchon (1981)

Dans la brume électrique (2009)

Tavernier était passionné par la littérature de genre et par les polars. Coup de torchon est une réinterprétation brillante d’un des grands classiques du roman noir américain, 1275 Âmes de Jim Thompson. Dans la brume électrique est une adaptation de James Lee Burke. Tavernier a toujours eu cette curiosité qui s’est un peu perdue. On sait que Sartre adorait la Série noire. Les gens des Cahiers du cinéma aussi du reste, qui ont beaucoup adapté David Goodis. Le héros de Coup de torchon est assez dégueulasse par lâcheté, c’est un pourri par manque de courage. Je rapprocherais ce film d’Allons z’enfants d’Yves Boisset, très antimilitariste. Il s’agit de porter un regard sur la colonisation ultra-sévère, on est très loin de Rudyard Kipling. Tavernier nous montre le colon macérant, profiteur, lâche ; on n’est plus du tout dans la légende dorée de la France civilisatrice. Jim Thomson et James Lee Burke appartiennent à la littérature américaine du Sud profond, de même qu’Erskine Caldwell ou William Faulkner. Voilà un univers où l’on trouve la moiteur, la promiscuité, une certaine forme de corruption, et toujours un peu de diamant, avec une grande question, lancinante : qu’est-ce que l’homme ? »

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