Interview

Natalie Depraz. « Mieux vaut faire de cette explosion une ressource »

Natalie Depraz, propos recueillis par Franck Frommer publié le 4 min

Pour Natalie Depraz, l’attention ne doit pas être opposée à la conscience. Et plutôt que la concevoir comme divisée, elle propose de la considérer sous l’angle du partage, afin de lui rendre son unité.

 

Comment en êtes-vous venue à vous intéresser au phénomène de l’attention ?

Natalie Depraz : À l’issue d’un travail avec Francisco Varela et Pierre Vermersch sur la phénoménologie de l’introspection, nous avons écrit un livre sur la « prise de conscience » où le thème de l’attention apparaît souvent. Nous y avons construit un micromodèle qui décrit le processus du « devenir conscient » sous forme de trois cercles : un geste de suspension (geste permanent d’ouverture, de changement d’attitude, de dégagement du champ, de positionnement en tant que témoin), un geste de redirection de l’attention (plus actif, plus volontaire, premier geste de la réduction) et un geste de « lâcher prise » (plus passif, plus réceptif). L’attention se situe à la fois dans le geste de suspension – prise de recul –, dans le geste de redirection – type d’attention focalisée – et dans l’autre geste de lâcher prise, plus ouvert, plus panoramique, plus réceptif. Ces trois gestes sont totalement solidaires, il faut les penser comme un seul tissu, alors que, souvent, on les sépare. Concernant les deux derniers gestes, il y a une interaction entre ce qui vient à moi et ce sur quoi je focalise mon attention. Ces deux gestes sont essentiels dans notre relation au monde, aux autres, pour notre action. Tout ce travail a suscité un retour de ma part aux textes de Husserl consacrés justement à l’attention. J’en ai identifié un ensemble écrit entre 1893 et 1914, que j’ai traduit, en 2004, sous le titre de Phénoménologie de l’attention. Et une question est apparue : doit-on différencier attention et conscience ?

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