Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Yves Bonnefoy en 2004 (cc) Joumana Haddad / Wikimedia Commons

Nécrologie

Mort d’Yves Bonnefoy, poète de la présence

Cédric Enjalbert publié le 02 juillet 2016 4 min
Le poète, critique d’art et traducteur Yves Bonnefoy est mort ce vendredi 1er juillet 2016 à l’âge de 93 ans. Hanté par les interrogations métaphysiques, il a cherché à élucider notre rapport au monde par les moyens de l’art.

À distance respectable des concepts, qu’il soupçonnait d’écraser l’expérience, Yves Bonnefoy n’a cessé de chercher à constituer une « poétique de la présence », s’approchant au plus près de ce que Rimbaud nomme, dans Une saison en enfer, la « réalité rugueuse ». L’âpreté de la réalité l’a rattrapé : le poète longtemps pressenti pour le prix Nobel de littérature est mort ce vendredi 1er juillet à l’âge de 93 ans.


Plotin, Baudelaire et Kierkegaard

Né à Tours en 1923, d’un père ouvrier et d’une mère institutrice, il doit sa rencontre avc la littérature à son professeur de philosophie au lycée, qui lui met entre les mains la Petite Anthologie du surréalisme de Georges Hugnet. Il s’engage vers les mathématiques, mais conserve ce goût intact pour la poésie et la philosophie, qu’il étudie finalement à l’université auprès de Gaston Bachelard, Jean Hyppolite et Jean Wahl. Il entame auprès de ce dernier un mémoire sur Baudelaire et Kierkegaard, tandis qu’il lit Bataille et Plotin. 

Il fraye alors avec les surréalistes. À 23 ans, son premier poème « Le Cœur-espace » paraît dans la revue La Révolution la nuit. Suivent, alors même qu’il prend de la distance avec André Breton et ses comparses, ses premiers recueils dont Anti-Platon en 1947, réunissant ses premiers poèmes ont paru dans des revues confidentielles, où il affime sa défiance envers l’idéalisme, et Du mouvement et de l’immobilité de Douve en 1953, très vite remarqué par Maurice Nadeau, créateur de La Quinzaine littéraire. Il fond déjà dans son creuset poétique, suivant l’intuition de Rimbaud qu’il admire, un « matérialisme spontané» et « un souci inné de la transcendance ». Sa conception de l’écriture s’affirme.

Entré au Centre national de la recherche scientifique en 1954, Yves Bonnefoy y poursuit une réflexion sur l’histoire des formes artistiques. S’intéressant de près à Piero Della Francesca, il trouve dans la peinture de la Renaissance un écho à ses préoccupation liant l’histoire, la création et la finitude humaine. Dans une introduction à Tout l’œuvre peint de Mantegna (Flammarion, 1978), le critique d’art écrira ainsi : « S’il faut encore parler d’une attention au fait historique, Mantegna ne le cherche plus dans ses grands moments, ne lui demande plus la pureté de tracé qu’assure après coup le temps, on le voit s’attacher plutôt à sa relation à des êtres qui sont chacun plus complexes que l’historien ne pourra le dire, et à des préoccupations aussi, des désirs, des intérêts, certains élevés, que le récit du passé ignore. […] De l’engagement total de notre énergie dans l’histoire, qu’il a rêvé, il perçoit cette fois au moins, le caractère utopique. »

À son œuvre de poète et à ses réflexions critiques, Yves Bonnefoy ajoute rapidement une activité de traducteur. Il traduit dès 1960  Jules César, de Shakespeare, joué à l’Odéon, dans mise en scène de Jean-Louis Barrault et des décors de Balthus. Il continuera à traduire une quinzaine de pièces de Shakespeare, mais aussi William Butler Yeats, John Keats, Pétrarque et Leopardi…


La poésie en son être propre

Fondateur en 1966 de la revue de poésie et d'art L'Éphémère, publiée par les éditions de la Fondation Maeght, avec André du Bouchet, Louis-René des Forêts, Gaëtan Picon, il est rejoint ensuite par Michel Leiris et Paul Celan. Le suicide de ce dernier en 1970, le bouleverse et lui inspire Ce qui alarma Paul Celan (Galilée, 2008), un court essai à portée métaphysique dans lequel il entend élucider les raisons de cette « irréductible affliction ». Il en conclut que « la poésie ainsi reconnue et vécue au plus ordinaire des jours, c’est ce qui, au terme d’années de dissociation de soi sous le poids des événements, lui permettait d’accomplir la synthèse de tout son être ».

Alors que la publication de L’Éphémère cesse, Yves Bonnefoy s’attèle à l’écriture d’un récit autobiographique intitulé L’Arrière-pays, qui paraît en 1972. Il y témoigne de cette tentation de l’ailleurs suscité par la fréquentation de la peinture, sans cesse ramené à la conscience de sa finitude. Enseignant au Collège de France de 1981 à 1993, étudie la fonction de la poésie et son rapport aux autres arts. Il entretient ce dialogue fécond ente la poésie et la peinture en publiant régulièrement des essais avec des artistes, notamment Pierre Alechinsky, Antoni Tàpies, ou Zao Wou-Ki.

La question du rapport à la finitude et à la transcendance, encapsulé dans sa « poétique de la présence », traverse l’intégralité de son œuvre de poète et de critique d’art qu’il se penche sur les peintures murales de la France Gothique, sur l’art baroque, sur Goya, sur Giacometti, sur Rimbaud ou Baudelaire. Chez lui se cristallise « la banalisation de l’incroyance et l’effet que celle-ci a eu sur le travail des poètes », l’impossible abandon de toute forme de transcendance et une forte inclination matérialiste : « Ce n’est que quand le religieux chancela qu’il devint possible de discerner le poétique en sa différence, la poésie en son être propre. Le génie de Baudelaire aura été d’avoir eu, le premier, cette intuition du plein de la poésie mais aussi d’avoir su en explorer le possible. » écrit-il. Cherchant après lui, dans les mots de la vie quotidienne le chemin d’un ailleurs, Yves Bonnefoy a fait de cette « épiphanie de l’indicible » sa vocation de poète et le cœur de son œuvre. 

Expresso : les parcours interactifs
Popper et la science
Avec Popper, apprenez à distinguer théorie scientifique et pseudo-sciences, pour mieux débusquer les charlatans et (enfin) clouer le bec à ce beau-frère complotiste !
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
1 min
Tout ça pour l’amour !

Véritable ode à la littérature, ce seul en scène convoque une galaxie d’auteurs, de Sophocle à Pierre Michon, en passant par Camus, Baudelaire,…

Tout ça pour l’amour !

Article
7 min
Quelle était la philosophie de Charles Baudelaire ?
Octave Larmagnac-Matheron 18 avril 2021

Baudelaire était de ces écrivains qui regardent la philosophie avec une certaine méfiance. Il lui reprochait, en tout cas, son manque d…

Quelle était la philosophie de Charles Baudelaire ?

Article
8 min
Yves Citton : “Les penseurs ‘altermodernes’ aident à décaler notre vision dominante des Lumières”
Philippe Garnier 07 mars 2022

Y a-t-il une alternative à la raison des Lumières qui ne soit pas antimoderne et irrationnelle ? Oui, répond Yves Citton dans…

Yves Citton : “Les penseurs ‘altermodernes’ aident à décaler notre vision dominante des Lumières”

Article
4 min
Baudelaire/Manet /Guys. La vie moderne
Barbara Bohac 27 septembre 2012

Charles Baudelaire écrit en 1859 un texte majeur sur la modernité qui renouvelle la définition du beau. Cette œuvre, qui concerne un dessinateur français aujourd’hui méconnu, Constantin Guys, semble faite sur mesure pour l’esthétique d…


Article
6 min
Daumal, poète métaphysique
Octave Larmagnac-Matheron 23 octobre 2021

Une exposition du Fonds régional d'art contemporain de Champagne-Ardenne rend hommage au poète René Daumal, natif de la région. Mais Daumal n…

Daumal, poète métaphysique

Entretien
7 min
Michel Serres : je marche, 
donc je pense
Sven Ortoli 24 octobre 2023

Loin des villes, où il a l’impression d’être « au fond d’un canyon », Michel Serres arpente la campagne ou la montagne qui lui ouvrent le ciel. Pour lui, écrire et marcher, c’est tout un. Car la poésie naît dès qu’un poète…


Article
5 min
Grandeur nature
Barbara Bohac 24 septembre 2012

Pourquoi ces figures sont-elles si maigres et allongées ? Jean-Paul Sartre et Yves Bonnefoy se sont intéressés à cette énigme : l’artiste représente les gens comme il les voit, à distance.


Article
7 min
Patti Smith : « L’art est le langage secret universel »
Claude Jeancolas 21 septembre 2012

La Fondation Cartier donne carte blanche à l’égérie du rock, écrivain et photographe, révoltée et mystique. Cette dernière représentante de l’« existentialisme new-yorkais » est aussi une lectrice passionnée d’Arthur Rimbaud. Claude…


À Lire aussi
Yves Simon. Le Voyageur retrouvé
Par Alexandre Lacroix
septembre 2017
Poétique du pavillon
Poétique du pavillon
Par Clara Degiovanni
juillet 2021
Elsa Godart : “Pour Pascal, la vérité ne peut passer que par le cœur”
Blaise Pascal, révéler les ombres
Par Victorine de Oliveira
septembre 2021
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. Mort d’Yves Bonnefoy, poète de la présence
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse