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©Stéphanie Lacombe/Pink/Saif images

Entretien

Karl Ove Knausgård : “Je cherche le sentiment d’une présence”

Karl Ove Knausgård, propos recueillis par Alexandre Lacroix publié le 03 décembre 2020 17 min

Alors qu’en France Fin de combat (Denoël), dernier volume d’un cycle romanesque digne d’À la recherche du temps perdu, vient de recevoir le prix Médicis étranger, nous avons eu une conversation avec Karl Ove Knausgård, l’écrivain norvégien le plus célèbre de sa génération. Il y explique son rapport à la poésie, à la philosophie, revient sur son existence mais aussi sur son choix polémique d’appeler sa somme Mon combat.

 

Disons-le sans ambages : le Norvégien Karl Ove Knausgård a probablement écrit l’équivalent d’À la recherche du temps perdu pour le XXIe siècle. Traduit dans vingt-deux langues, son cycle autobiographique de six romans et de près de 5 000 pages est considéré en Grande-Bretagne, en Allemagne ou aux États-Unis comme l’entreprise littéraire la plus marquante de notre temps. D’ailleurs, juste avant de se lancer dans cette œuvre, il avait relu Proust. Mais ce qu’il lui a emprunté, ce n’est pas la phrase longue ni la sophistication du vocabulaire et du style ; sa prose est bien plus dépouillée. Non, c’est l’ambition folle de contenir toute l’existence dans un livre, d’avoir accès, via la littérature, à sa propre expérience, au temps passé, et d’en déployer la signification. Et puis, comme Proust, il se moque d’être ennuyeux. Il peut passer plusieurs pages à se demander pourquoi les morgues sont toujours installées au rez-de-chaussée ou au sous-sol des hôpitaux (les morts ne se baladent pas dans les étages) ou à décrire ses émotions la première fois qu’il est allé acheter de l’alcool. La puissance de son œuvre tient à la fois à son caractère monumental, aux boucles virtuoses de la narration qui accomplit parfois un détour de plusieurs centaines de pages avant de revenir au point névralgique avec une acuité renforcée, mais aussi à un paradoxe qui irrigue l’œuvre (et cet entretien, du reste). Le lecteur de Mon combat sait tout de Knausgård : comment il a trompé ses premières femmes et avec qui, comment il a souffert de la phobie de la masturbation, que sa belle-mère était alcoolique et sa seconde épouse bipolaire. Pourtant, dans la vie réelle, Knausgård est un timide maladif, presque mutique. Il a honte de ce qu’il est, et néanmoins il écrit tout. C’est ce qui évite à son entreprise le reproche de complaisance ou de narcissisme, et nous fait toucher la vulnérabilité d’un être humain. Phénomène d’édition (à chaque parution d’un volume en Norvège, les employeurs donnaient un « congé Knausgård » de deux ou trois jours, sachant que leurs salariés se mettaient à lire au bureau et ne fichaient plus rien), cet auteur est peu connu en France – nous sommes l’un des rares pays où ses livres ne sont pas des best-sellers. La raison ? Probablement considérons-nous que l’autofiction, de Jean-Jacques Rousseau à Emmanuel Carrère en passant par Louis-Ferdinand Céline, est notre spécialité. Et pourtant, Knausgård y a apporté sa touche, en l’illuminant par la quête de transparence et l’inquiétude morale propres à la tradition protestante. 

 

Karl Ove Knausgård en 8 dates
1968
Naissance à Oslo, en Norvège
1988 Commence des études de littérature à Bergen, la première année au sein de l’Académie d’écriture créée par le dramaturge Jon Fosse
1995-2004 Mariage avec Tonje Aursland
1998 Publication de son premier roman, Ute av verden (« Hors du monde »), succès critique considéré comme un chef-d’œuvre en Grande-Bretagne par le Guardian, mais non traduit en français
2007-2016 Mariage avec l’autrice Linda Boström, dont il a quatre enfants
2010 Crée avec son frère Yngve les éditions Pelikanen, qui traduisent notamment Peter Handke
2009-2011 Publication en Norvège des six volumes du cycle Mon combat (presque 5 000 pages dans l’édition française) en moins de deux ans
2020 Reçoit le prix Médicis-Roman étranger pour Fin de combat

 

Votre marque de fabrique, comme écrivain, est de décrire longuement des scènes de la vie ordinaire dans lesquelles il ne se passe presque rien. Qu’est-ce qui rend le quotidien si digne d’attention à vos yeux ?

Karl Ove Knausgård : C’est une question à laquelle je peux répondre de plusieurs manières. Avant d’écrire Mon combat, je me sentais prisonnier de la littérature. J’avais le désir d’écrire un livre sur ma vie et sur la mort de mon père. Chaque fois que je me lançais, cela devenait un roman, une histoire, que je ressentais comme plus ou moins détachée de moi. Ce n’était pas la vie elle-même. J’ai résolu la difficulté en décidant de prendre en charge le quotidien dans mon écriture, sans aucun filtre, sans rien censurer. Cela m’a procuré une incroyable sensation de liberté. Je me suis mis à me souvenir de tous les détails du passé, l’écriture venait pour ainsi dire toute seule, et je n’ai pas retravaillé les romans du cycle, qui sont livrés presque en premier jet au lecteur. Quel risque prend-on dans un cas pareil ? Au pire, celui d’ennuyer. À un autre niveau, je dirais que nous sommes trop éloignés des questions basiques, de ce qui importe vraiment. Parce que, la plupart du temps, nous sommes au milieu d’une action, toujours en train de faire une chose ou une autre. Et même lorsque nous ne faisons rien, nous lisons encore un magazine, nous restons occupés. Or, selon moi, le roman a cet étrange pouvoir de dissoudre ces occupations qui nous absorbent, de faire tomber cette barrière des soucis qui nous sépare du monde. Alors, nous nous mettons à voir que la vie quotidienne contient également les questions les plus fondamentales, qui sont bien sûr les plus simples. Le mystère du monde et de la condition humaine se rejoue à chaque instant. L’écrivain polonais Witold Gombrowicz [1904-1969] a écrit de très beaux passages à ce sujet dans son Journal. Les écrivains, explique-t-il, luttent toute leur vie pour fabriquer une forme littéraire élevée, alors que l’important se trouve sous la forme, par exemple quand vous mettez le linge dans la machine à laver. En écrivant le quotidien, vous pouvez explorer ce qui n’a pas de forme mais qui est essentiel.

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