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Emmanuel Macron au Palais de l’Elysée le 29 avril 2021. © Thomas Padilla/Maxppp

Politique

Macron contre l’intersectionnalité

Octave Larmagnac-Matheron publié le 05 juillet 2021 3 min

La « logique intersectionnelle […] fracture tout » : le verdict du président est, semble-t-il, sans appel, comme il l’explique dans un entretien accordé récemment à Elle. Quel est donc le problème, de son point de vue, avec l’« intersectionnalité » ? Elle participerait d’un mouvement de fond qui consiste à « [renvoyer] chacun à son identité », à enfermer chacun dans des catégories hermétiques. La race, en particulier : « Je vois la société se racialiser progressivement », explique Emmanuel Macron, qui se présente comme un « universaliste ». Des accusations qui se révèlent particulièrement infondées… si l’on prend la peine de parcourir les textes fondateurs de l’approche intersectionnelle.

 

  • Les accusations de Macron à l’encontre de l’intersectionnalité paraissent étranges quand on lit la suite du propos : « Les difficultés sociales ne sont pas uniquement structurées par le genre et par la couleur de peau, mais aussi par l’inégalité sociale », note-t-il. Cette phrase, on pourrait certainement la retrouver sous la plume de la juriste américaine Kimberlé Crenshaw… qui forgea le concept d’« intersectionality » – sur lequel on a calqué le terme français – dans un article de 1989, « Demarginalizing the Intersection of Race and Sex: A Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory and Antiracist Politics ».
  • L’intention est, bien entendu, différente : Macron sous-entend que les inégalités socio-économiques sont aujourd’hui complètement occultées par les discriminations raciales et de genre. Et il est certainement vrai que Crenshaw s’intéresse surtout, dans son article fondateur, à l’intersection entre race et genre – au cas des femmes noires, victimes d’inégalités sociales qui sont d’abord la conséquence de cette double discrimination. Mais Crenshaw ne réduit jamais la situation des femmes noires à ces deux critères uniques : l’intersectionnalité est d’abord une méthode de travail, qui pourrait être enrichie en intégrant de nombreux autres facteurs tels que « la classe sociale, l’orientation sexuelle, l’âge, le handicap ».
  • Race et classe sont seulement deux dimensions parmi d’autres – particulièrement évidentes – qui permettent à Crenshaw de développer une approche transposable à d’autres situations. Tout l’enjeu de l’intersectionnalité comme grille d’analyse, c’est de penser « l’interaction » des sources de discriminations. Au sens fort : « L’expérience intersectionnelle est plus large que la somme du racisme et du sexisme ». Pour Crenshaw, la conjonction des deux crée une nouvelle catégorie, qu’il est urgent de penser pour comprendre, en particulier, à la fois le racisme subi par les femmes noires au sein du féminisme et le sexisme à leur endroit dans les mouvements antiracistes. Selon la féministe américaine, ces formes de discriminations ne sont jamais pensées, elles sont « invisibilisées » au sein de catégories identitaires beaucoup trop monolithiques pour saisir la complexité du réel.
  • Difficile, dans ce contexte, de faire de l’intersectionnalité une approche identitariste, voire même racialiste, comme le voudrait Macron. « Le problème des politiques de l’identité, c’est qu’elles […] ignorent les différences intra-groupes », comme le précise Crenshaw dans « Mapping the Margins: Intersectionality, Identity Politics, and Violence against Women of Color » (1991). « L’intersectionnalité ne propose pas une nouvelle théorie totalisante de l’identité », elle invite au contraire à se méfier des assignations génériques – Noir et Blanc par exemple. Ce qui compte, pour Crenshaw, c’est avant tout d’explorer le feuilletage des discriminations, et non de donner un contenu positif aux identités.
  • Pourquoi, alors, Macron s’en prend-il à l’intersectionnalité ? On peut, certainement, rappeler la méfiance de Crenshaw à l’égard de « l’universalisme », qui peut occulter toute la complexité des situations concrètes et à qui certains reprochent aujourd’hui d’« invisibiliser » les souffrances des discriminés. Mais la réponse est surtout conjoncturelle : Macron s’oppose à ce qu’il considère comme un bloc sans nuance où intersectionnalité, décolonialisme, et racialisme deviennent synonymes. Cette proximité existe, bien entendu – tous ces mouvements s’efforcent de donner la parole aux existences marginalisées. Déduire de cette convergence de circonstance que, de la méthode de travail développée par Crenshaw aux déclarations polémiques d’Houria Bouteldja, ex-porte-parole des Indigènes de la République, c’est du pareil au même, voilà un raccourci politiquement commode et pour le moins absurde, si ce n’est bien mal informé.
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