Aller au contenu principal
Menu du compte de l'utilisateur
    S’abonner Boutique Newsletters Se connecter
Navigation principale
  • Le fil
  • Archives
  • En kiosque
  • Dossiers
  • Philosophes
  • Lexique
  • Citations
  • EXPRESSO
  • Agenda
  • Masterclass
  • Bac philo
 Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
rechercher
Rechercher

Photo d'illustration. © Jean-Christophe Hanché/Light Motiv

Société

L’hospitalisation sans consentement en hôpital psychiatrique : un problème politique

Pierre Vesperini publié le 28 mai 2021 11 min

Chacun connaît l’histoire de Camille Claudel, la grande artiste qui fut la maîtresse et la rivale de Rodin. En 1913, quelques jours à peine après la mort de son père, qui l’avait toujours protégée, sa mère la fit interner dans un asile de fous. Voici ce que lui écrivait sa fille deux semaines après son arrivée :

“J’ai bien reçu les objets que vous m’avez envoyés. Voilà bien de l’argent dépensé. Avec le quart de cet argent-là, j’aurais vécu tranquille longtemps dans mon quai de Bourbon où j’étais si bien... Cela va-t-il durer longtemps, cette plaisanterie-là ? Vous ne pourriez pas me donner quelques renseignements à ce sujet ? Je n’en serais pas fâchée”

Camille Claudel

Pour toute réponse, la mère interdit au médecin-chef de laisser sa fille correspondre avec quiconque ou de recevoir des visites. De fait, la « plaisanterie » allait durer jusqu’à la mort de Camille, en 1943. Elle fait ainsi partie des 40 000 fous, ou plutôt présumés fous, que Vichy laissa mourir de faim.

Cette histoire paraîtra, à la conscience commune, remonter à l’ancien temps. Il y a beau temps, pense-t-on, qu’on n’enferme plus les gens malgré eux dans des asiles de fous. 

Et pourtant, la loi de 1838, qui rendit possible l’enfermement de Camille Claudel, est restée en vigueur jusqu’en 1990. À cette date, la loi qui la remplaça ne fit que la toiletter, et ne changea rien au processus d’internement. On distingue toujours entre :

  • un internement « d’office », sur décision du préfet, qui représente selon Me Raphaël Mayet, avocat spécialisé dans la défense des victimes d’internements abusifs, pas moins de 20% des 80 000 mesures d’hospitalisation sous contrainte décidées chaque année ; 
  • et un internement dit « volontaire », mais qui l’est en fait très rarement : il a lieu en effet le plus souvent « à la demande d’un tiers » (famille ou proches de « l’interné »), et sur certificat médical, celui-ci pouvant être fait par n’importe quel médecin, qu’il soit généraliste, voire médecin du sport.

Lorsqu’il s’agit d’un(e) adolescent(e), la simple autorité parentale suffit pour les faire interner sans leur consentement, et ils n’ont aucun recours, tant qu’ils n’ont pas 18 ans, pour saisir le juge des libertés. Il n’est pas besoin d’être particulièrement sensible au phénomène, de plus en plus mis en lumière, de la « famille maltraitante », pour deviner la licence ainsi laissée aux familles d’infliger aux enfants qui les dérangent, en toute impunité, des souffrances qui les marqueront à jamais, qui peut-être même, tout simplement, les rendront fous. Car c’est l’un des effets les plus pervers de l’hospitalisation sous contrainte : une fois qu’on est enfermé, on est enfermé dans la condition de fou. Au point qu’on peut, parfois, finir par ne faire plus qu’un avec elle. L’absorption forcée de neuroleptiques y est certes pour beaucoup, mais pas seulement : non seulement notre identité nous est, en grande partie, donnée par le regard des autres. Mais elle est encore affectée par les situations sociales dans lesquelles nous nous trouvons, et particulièrement celles qui nous sont imposées. L’asile ne fait pas exception. Écoutons ce que dit l’infirmier Yves Gigou, dans un passionnant récit autobiographique : « L’histoire », dit-il, « nous [a] enseigné, d’une façon irréfutable, que l’asile rend fou. »

Aujourd’hui encore, la porte de l’internement abusif reste donc grand ouverte : un conflit entre conjoints, entre collègues, entre voisins, entre parents, mais aussi un conflit entre les autorités et un citoyen (simple particulier, militant associatif, élu, ou haut fonctionnaire), peut déboucher sur un internement abusif. D’après André Bitton, président du Cercle de réflexion et de proposition d’actions sur la psychiatrie (CRPA), si l’on prend en compte le nombre de mainlevées accordées par les juges des libertés (ou les conseillers des cours d’appel) dans les contrôles judiciaires des mesures d’hospitalisations sans consentement, « on peut actuellement évaluer le nombre des internements peu ou prou arbitraires à 8 ou 9% des mesures d’hospitalisation sans consentement ».

Expresso : les parcours interactifs
Comment commenter un texte philosophique ?
Une fois qu’on a compris la thèse d’un texte de philo, il n’y a plus rien à faire ? Faux ! Apprenez comment commenter un texte de philosophie avec une méthode imparable, étape après étape. 
Découvrir Tous les Expresso
Sur le même sujet
Article
4 min
Le “mauvais sexe” : fatalité ou violence ?
Joséphine Robert 10 février 2022

Selon Katherine Angel, nos désirs résident dans l’ignorance. Alors comment peut-on affirmer notre consentement avant et durant un rapport sexuel…

Le “mauvais sexe” : fatalité ou violence ?

Bac philo
2 min
La liberté
Nicolas Tenaillon 01 août 2012

La liberté est d’abord une notion métaphysique : l’homme est-il libre ou déterminé par des contraintes qu’il ne maîtrise pas ? S’il est la cause première de ses choix, on dit qu’il possède un libre arbitre. Mais un tel pouvoir est…


Article
2 min
Raymond Depardon. Un regard libre
Dorian Astor 25 octobre 2017

Depardon, légende vivante de l’histoire de la photographie, n’a pas son pareil pour photographier et filmer l’immobilité ou l’enfermement. C’est ainsi qu’il a sillonné la France tout au long des années 2000 pour documenter les zones…


Article
4 min
Qu’est-ce que consentir en amour ?
Jean-Cassien Billier 26 septembre 2012

Tout acte sexuel consenti est moral. Tel est le credo de l’époque en matière de mœurs. Du cas extrême de la « drogue du viol » au sentiment amoureux vécu comme une contrainte altérant le libre arbitre, le débat sur la nature du…


Article
2 min
Foucault. Le courage d’être soi
25 janvier 2018

« Je suis un expérimentateur et non pas un théoricien. » Au carrefour de la philosophie et de l’histoire, Michel Foucault n’a cessé de manipuler…

Foucault. Le courage d’être soi

Article
2 min
“12 jours” de Raymond Depardon : juger le fou ?
Cédric Enjalbert 29 novembre 2017

Habitué des lieux de justice et de détention, Raymond Depardon a posé sa caméra dans un hôpital psychiatrique. Un regard foucaldien sur la…

“12 jours” de Raymond Depardon : juger le fou ?

Article
3 min
DSM-5 : la folie bien ordonnée
Jacques Bouveresse 15 mai 2013

Le cinquième « Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux » (DSM) sort ce mercredi, classifiant 450 troubles mentaux, contre moins de…

DSM-5 : la folie bien ordonnée

Article
3 min
Les fantômes de l’hôpital
Lia Duboucheron 25 septembre 2012

Le philosophe Didier Ouedraogo aide les soignants à comprendre comment les Africains de l’Ouest perçoivent la maladie. Dans son séminaire sur l’éthique à l’hôpital Saint-Louis, à Paris, il insiste sur la participation de tous à la…


À Lire aussi
Dilnur Reyhan : “Les Ouïghours ne sont pas des musulmans chinois !” 
Dilnur Reyhan : “Les Ouïghours ne sont pas des musulmans chinois !” 
Par Océane Gustave
avril 2021
Psychiatrie: un rapport soulève d’inquiétantes atteintes aux droits fondamentaux
Psychiatrie: un rapport soulève d’inquiétantes atteintes aux droits fondamentaux
Par Cédric Enjalbert
mars 2016
Rencontre avec Sandrine Bonnaire
Par Juliette Cerf
septembre 2012
  1. Accueil-Le Fil
  2. Articles
  3. L’hospitalisation sans consentement en hôpital psychiatrique : un problème politique
Philosophie magazine n°178 - mars 2024
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Avril 2024 Philosophe magazine 178
Lire en ligne
Philosophie magazine : les grands philosophes, la préparation au bac philo, la pensée contemporaine
Réseaux sociaux
  • Facebook
  • Instagram
  • Instagram bac philo
  • Linkedin
  • Twitter
Liens utiles
  • À propos
  • Contact
  • Éditions
  • Publicité
  • L’agenda
  • Crédits
  • CGU/CGV
  • Mentions légales
  • Confidentialité
  • Questions fréquentes, FAQ
À lire
Bernard Friot : “Devoir attendre 60 ans pour être libre, c’est dramatique”
Fonds marins : un monde océanique menacé par les logiques terrestres ?
“L’enfer, c’est les autres” : la citation de Sartre commentée
Magazine
  • Tous les articles
  • Articles du fil
  • Bac philo
  • Entretiens
  • Dialogues
  • Contributeurs
  • Livres
  • 10 livres pour...
  • Journalistes
  • Votre avis nous intéresse