“12 jours” de Raymond Depardon : juger le fou ?
Habitué des lieux de justice et de détention, Raymond Depardon a posé sa caméra dans un hôpital psychiatrique. Un regard foucaldien sur la judiciarisation de la folie.
Depuis 2013, une loi impose de présenter, sous douze jours, un patient hospitalisé sans son consentement dans un établissement psychiatrique à un juge des libertés et de la détention, si bien que le choix d’une hospitalisation sous contrainte ne repose plus, en principe, sur le seul médecin. Raymond Depardon a choisi de filmer cette procédure, après avoir exercé son œil de journaliste et de réalisateur dans les hôpitaux psychiatriques de San Clemente à Venise et de l’Hôtel-Dieu à Paris (Urgences). Il a pu poser ses caméras à l’hôpital du Vinatier, à Lyon, où se déroulent des audiences deux fois par semaine. Le cadre légal de l’enfermement sous contrainte gomme-t-il sa dimension arbitraire ? L’affaire s’apparente plutôt à une mascarade. Le juge donne la parole au patient alors que sa décision paraît déjà prise… sur base des indications fournies par les médecins, qu’il ne fait donc qu’acter. Aucun des dix patients filmés, même lorsqu’ils expriment raisonnablement leur désir d’être libérés, n’est d’ailleurs entendu. Raymond Depardon, coutumier des sentiments paradoxaux, réserve son jugement. Il rend plutôt compte de la complexité d’une situation humaine, entremêlant aux entretiens de larges plans silencieux, dans les parties communes et à l’extérieur de l’hôpital. Ces douze jours de sursis sont-ils un gain de liberté ou le renforcement d’une trajectoire, identifiée par Michel Foucault, de judiciarisation de la folie ? Le philosophe décrit, dans son Histoire de la folie à l’âge classique (1961), comment le statut de l’aliéné change avec le succès du rationalisme. Autrefois partie prenante de l’imaginaire collectif, mettant en doute la consistance du monde, le fou devient progressivement la figure de la déviance qui permet à la norme de s’établir. Des institutions comme la prison ou l’hôpital organisent son exclusion. « Le fou doit se savoir surveillé, jugé et condamné. » Aujourd’hui encore ?
Pas si vite nous dit Spinoza, dans cet éloge à la fois vibrant, joyeux et raisonné de l'amour en général.
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