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Platonov dans une mise en scène des Possédés © Jean-Louis Fernandez

Théâtre

Les Possédés s’emparent de “Platonov”: que reste-t-il du monde désenchanté?

Cédric Enjalbert publié le 20 janvier 2015 4 min
Le collectif Les Possédés met en scène “Platonov”, avec Emmanuelle Devos, au Théâtre de La Colline, jusqu'au 11 février 2015, avant de partir en tournée en France. Avec Tchekhov, ils brossent un univers désenchanté, duquel Dieu et les idéaux se sont retirés, nous laissant seuls face à nous-mêmes.

Imaginez un large salon qui tiendrait à la fois de la maison de campagne et de la remise pour décor de théâtre, où se réunirait une assemblée d’amis de vingt ans, des faux joyeux, des banquiers bluffeurs, des propriétaires fonciers sans allure, de drôles de dames au charme désabusé, des nouveaux riches: tous désespérés, désamparés, mais joueurs et beaux parleurs. Ou ils craignent l’avenir, ou ils regrettent le passé. Aucun ne vit avec les yeux en face des trous, et personne ne regarde l’époque bien droit.

Reçus chez Anna Petrovna (Emmanuelle Devos), une veuve endettée, ils devisent en attendant… En attendant quoi exactement ? Qui, plutôt, car le clou de la soirée, c’est Platonov, leur « petit Platon » en russe, l’enfant prodigue revenu parmi les siens. Ce vieux jeune homme instituteur (Rodolphe Dana) vit dans un ciel des idées qui s’est éteint. Dans cette Russie de fin de siècle, les idéaux sont à plat : Dieu est mort depuis un moment, Dostoïevski et Nietzsche ont signé son acte de décès, et toute autorité avec lui.


 


Désanchantement

Platonov feint de s’accrocher à ses idées d’idéaliste dépassé. Il n’est pas dupe de ses élans grandioses et de ses grands discours, pourtant. Platonov séduit malgré tout. Il ment. Il trompe. Il crée des histoires qui sont autant d’épouvantails dans un théâtre d’ombre personnel. Il philosophe alors qu’il n’est plus temps.

Ce sentiment de désanchantement, de duperie et de séduction partagées, le collectif Les Possédés en font un monument de théâtre. Dans un décor fragile, posé sur une toile peinte qui fera office tantôt de sol tantôt de paroi, de papier peint et d’horizon d'illusion, la douzaine de comédiens virevoltent, emportés par la parlotte dans un cosmos foutraque, divaguent de siège en tabouret, de tabouret en chaise longue, de chaise longue en causeuse.

D’abord lent, le rythme des échanges se précipite jusqu’à créer, à partir de rien, strictement rien, une situation purement dramatique. Dès que l’ennui point, Les Possédés s’escriment et la situation se tend. Théâtraliser le néant de la vie avec art, « brouiller les eaux pour les faire paraître profondes », selon la formule de Nietzsche, Tchekhov en a fait une profession de foi. Les bien-nommés Possédés rendent grâce à ce sursaut dramatique et nihiliste, avec beaucoup d’humour et d’esprit.

En figure exemplaire de ce chaos moral dont Dieu s’est retiré – et avec lui une conception du théâtre, comme le relève Jean Vilar, celle aristotélicienne de la représentation qui édifie, qui concentre, qui purge –, Emmanuelle Devos incarne remarquablement Anna Petrovna, la duchesse déchue, tombée de haut, ramenée ici-bas en même temps que Dieu, la morale et toutes les grandes idées. De l’aristocratie à ras du sol et à fleur de peau qui enchante.


© Jean-Louis Fernandez


Nostalgie

À quoi tient ce sentiment ravissant et si ténu avec lequel Les Possédés nous retiennent pourtant sans faillir toute une soirée ? À une certaine idée de la nostalgie joyeuse et triste, à cette « irréversibilité » à laquelle Vladimir Jankélévitch a consacré parmi les plus belles pages. Il écrit dans L’Irréversible et la Nostalgie (Flammarion, 1983) :

« L’irrémédiable, ce n’est pas que l’exilé ait quitté la terre natale : l’irrémédiable, c’est que l’exilé ait quitté cette terre natale il y a vingt ans. L’exilé voudrait retrouver non seulement le lieu natal, mais le jeune homme qu’il était lui-même autrefois quand il l’habitait. […] L’exilé courait à la recherche de lui-même, à la poursuite de sa propre image et de sa propre jeunesse, et il ne se retrouve pas. Et l’exilé courait aussi à la recherche de sa patrie, et maintenant qu’elle est retrouvée il ne la reconnaît. »

Chacun des membres du collectif Les Possédés donne tout son souffle à cette poursuite effrénée de sa « propre image », avec un retard inéluctable dans lequel chaque spectateur n’aura aucun mal à se retrouver. 

 

Informations
Platonov d'Anton Tchekhov
Création collective dirigée par Rodolphe Dana - Collectif Les Possédés
Avec: Yves Arnault, Julien Chavrial, David Clavel, Rodolphe Dana, Emmanuelle Devos, Françoise Gazio, Katja Hunsinger, Antoine Kahan, Émilie Lafarge, Nadir Legrand, Christophe Paou, Marie-Hélène Roig
Grand Théâtre
 
Traduction du russe: André Markowicz et Françoise Morvan et Collectif Les Possédés
Adaptation: Rodolphe Dana et Katja Hunsinger 
Scénographie: Katrijn Baeten et Saskia Louwaard
Lumières: Valérie Sigward assistée de Wilfried Gourdin
Costumes: Sara Bartesaghi Gallo 
Assistanat à la mise en scène: Inès Cassigneul
 
Le texte intégral est publié aux éditions Les Solitaires Intempestifs.
 
La Colline – Théâtre national 
15, rue Malte-Brun - 75020 Paris
Du 8 janvier au 11 février 2015
Durée: 3h30 avec entracte
 
du mercredi au samedi à 20h, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h
 
Tournée:
Théâtre de Nîmes
du 14 au 17 octobre 2014
 
Scène Nationale d’Aubusson – Théâtre Jean Lurçat
du 6 au 7 novembre 2014
 
L’Equinoxe – Scène Nationale de Châteauroux
du 10 au 11 novembre 2014
 
MA - Scène Nationale du Pays de Montbéliard
le 14 novembre 2014
 
La Comédie de Clermont-Ferrand – Scène Nationale
du 19 au 20 novembre 2014
 
Les Célestins, Théâtre de Lyon
du 25 novembre au 5 décembre 2014
 
Le Grand T – théâtre de Loire Atlantique, Nantes
du 10 au 20 décembre 2014
 
L’Avant-Seine, Colombes
le 13 février 2015
 
La Passerelle – Scène Nationale des Alpes du Sud, Gap
du 16 au 17 février 2015
 
La Criée Théâtre National de Marseille
du 19 au 21 février 2015
 
Théâtre Garonne, Toulouse
du 25 au 28 février 2015
 
Théâtre Firmin Gémier La Piscine, Châtenay-Malabry
du 4 au 8 mars 2015
 
Le Quartz, Brest
du 11 au 13 mars 2015
 
Théâtre de Rungis
le 17 mars 2015
 
Le Bateau Feu Scène Nationale de Dunkerque
du 20 au 21 mars 2015
 
Théâtre du Nord, Lille
du 25 au 29 mars 2015
 
Nouveau Théâtre d’Angers CDN
du 7 au 9 avril 2015
 
Nouvel Olympia – CDR de Tours
du 13 au 17 avril 2015

 

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