Le sommeil, arme de résistance massive ?
De quoi rêve le capitalisme ? De disposer de travailleurs opérationnels vingt-quatre sur vingt-quatre. Comment s’y prend-il ? En abolissant la frontière entre travail et loisir. Comment s’en sortir ? En dormant sur nos deux oreilles. C’est la thèse reposante du théoricien de l’art Jonathan Crary.
Que faisons-nous en nous levant la nuit pour lire nos e-mails ? À quelle étrange pression cédons-nous lorsque, au lieu d’aller nous recoucher, nous nous octroyons une demi-heure de surf sur le Web entre 3 et 4 heures du matin ? Est-ce un acte de liberté, de curiosité, ou le symptôme d’une soumission de plus en plus complète à une nouvelle, et très retorse, forme d’exploitation ? Cette demi-heure de navigation nocturne n’est pas innocente. Non seulement elle nous prive d’une phase de sommeil profond, mais elle enrichit de façon vertigineuse un petit nombre d’opérateurs du marché numérique. Elle permet l’intrusion masquée de nouveaux dispositifs de travail, à la fois volontaires et inconscients, qui s’installent au cœur de nos existences.
Debout, les forçats du clavier !
Plus de temps libre, un travail mieux partagé, plus autonome et plus intelligent… telles étaient les promesses de la « nouvelle économie », que des auteurs comme Jeremy Rifkin formulaient dans les années 1990. Les hiérarchies rigides de la production industrielle devaient faire place à une économie plus collaborative, où l’échange des savoirs accompagnerait la croissance des services. La circulation plus fluide des informations devait modifier la notion même de travail et de compétence. Vingt ans plus tard, un sourd malaise règne chez les forçats du clavier que nous sommes devenus. Au vieux stress industriel succèdent des maux plus sournois liés à l’informatisation globale. Soumis à une évaluation permanente issue de leur propre flux de données numériques, de nombreux salariés se plaignent de la flexibilité des horaires et de la volatilité des tâches. À la souffrance de la spécialisation et de la répétition s’est substitué un sentiment chronique d’insuffisance, de dispersion, de dépossession. Parcellaire, morcelée, la vie des « créatifs » a cessé d’être gratifiante. Le sentiment d’une « perte de savoir-faire » a gagné le monde des cadres et s’étend jusqu’aux sphères de la finance.
Faites-vous primer le désir comme Spinoza, la joie à l'instar de Platon, la liberté sur les pas de Beauvoir, ou la lucidité à l'image de Schopenhauer ? Cet Expresso vous permettra de le déterminer !
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